Jill Magid à la galerie Yvon Lambert
Une seule salle, cinq écrans vidéo suspendus, des miroirs aux murs et un petit extrait du Faust de Goethe ; il n’en fallait pas plus à Jill Magid pour offrir l’une des plus passionnantes installations de la saison. Pour sa troisième exposition personnelle, l’artiste a en effet choisi de se concentrer sur l’une de ses dernières œuvres, The Status of the Shooter. Constituée d’archives policières, la pièce reconstitue, au travers de cinq vidéos enregistrées à bord de voitures de police, l’intervention d’agents lors du suicide de l’étudiant Colon Tooley, mobilisés sur place alors que le jeune homme avait été aperçu armé d’un fusil mitrailleur. Au cœur de l’installation, le spectateur, privé d’informations, est ainsi plongé dans une dramaturgie aveugle, dépossédée des indices contextuels propres à la narration. Pourtant, bien vite,
ces images trouvent une résonance dans la bande-sonore qui les accompagne et, embarqué à bord de ces voitures traversant la ville et traquant en groupe à la manière d’une meute à l’affût. On suit ainsi cette embardée avec attention, s’approchant à chaque instant de ce dénouement qui n’en est pas un, l’arrivée sur le lieu d’un crime perpétré contre soi-même, celui de Colon Tooley. En écho, l’extrait de Faust en appelle à la tentation de la mise à mort, ce sentiment d’une vie inaccomplie, tandis que, toutes sirènes dehors, les policiers exhortent la population alentour de quitter les lieux, hurlant qu’un individu capable de tirer est dans le bâtiment. Terrible et immersive, l’œuvre de Jill Magid déploie ses résonances de toute part, faisant de ce drame humain la trame scriptée de la disparition d’un corps dans la société.