John Beech — Galerie Les Filles du Calvaire
Avec cette nouvelle exposition monographique de John Beech, la galerie des Filles du Calvaire offre une plongée passionnante au cœur de la démarche radicale d’un artiste qui continue de poursuivre sa recherche plurielle sur la peinture, sur l’image et sur notre propre perception du monde.
« John Beech — Object in Place », Galerie Les filles du calvaire du 3 septembre au 22 octobre 2016. En savoir plus À travers la variété des médiums qu’il utilise (peinture, photographie, lithographie, installation), John Beech transforme le réel, fait passer ce qui précisément ne fait pas image pour en découvrir la fonction de décor, de fond à sa propre intervention qui apparaît comme un second moment de sa démarche. Avec ce nouveau projet, c’est ainsi aux alentours mêmes de la galerie que l’artiste a puisé les éléments nécessaires à une installation constituée de trois éléments glanés et transformés.Au rez-de-chaussée, deux portes démantelées, accidentées et réverbérant, à travers la couche de peinture grossièrement déposée, la lumière zénithale, révèlent l’intense vibration de la couleur dès lors qu’elle se laisse utiliser comme une matière, un filtre magnétique qui cache autant qu’il dévoile son support. Le caisson au centre, formé de diverses planches assemblées, lui, se voit partiellement recouvert de peinture, quand elle n’y est pas tout simplement versée. D’un minimalisme évident, il impose sa présence et laisse planer l’incertitude quant à sa fonctionnalité. Outil de travail transformé, sculpture minimale indéfinissable, il laisse pourtant s’échapper une once de symbolique qui, volontaire ou non, ne manque pas d’ouvrir aux œuvres sur toile et papier qui poursuivent le parcours. Avec son trou circulaire placé sur la face ventrale, ce cube ouvert n’est pas sans évoquer une camera obscura minimaliste qui vient annoncer la place prépondérante de la « focale », l’angle de vue et la patience dans l’élaboration de ses œuvres.
C’est ainsi à travers cette versatilité utilisée comme un jeu que l’œuvre de John Beech édifie sa complexité ; masquant ou révélant son arrière plan (photographique ou véritable fragment de réel), la pigment dévoile une couleur vivante qui, loin de la simple apposition sur un fond, s’empare bien plus du fonds de réalité tangible pour déployer toute sa force concrète, affirmer, dans l’abstraction, sa pure singularité. Un effet saisissant qui se dégage d’expérimentations de l’artiste mettant à l’épreuve deux lithographies aux motifs identiques transférés sur deux images différentes. Les objets de rebuts (poubelles, ruines) ou apparemment insignifiants (containers, caddies, maisons aux architectures convenues) prennent, à travers l’œil et la main de l’artiste, une consistance sans égal.
Car c’est d’abord le photographe qui, s’il en arase les couleurs en privilégiant le noir et blanc, fait ressortir les lignes de fuite et, dans ses cadrages, constitue d’abord, en jouant sur leurs angles, une assise formidable aux allures de sculptures spontanées comme émergées du chaos de la nature urbaine. Appliqués par la suite, la couleur et le motif qui les surplombent, s’ils en brouillent la lisibilité, semblent en asseoir la profondeur organique, rappelant à la pensée la somme infinie d’atomes, d’éléments minéraux nécessaires à leur fabrication. Plus encore, en écho à ce décorum industriel, John Beech joint l’utilisation d’objets issus de ce monde pour apposer sa marque peinture, élaborant une cohérence dans ce fragment du réel qu’il abstrait littéralement du monde pour en produire une nouvelle image. En ce sens, les outils et signes, presque micro-localisables, invoquent un minimalisme radical qui amplifie la valeur de cette transformation.
Et, d’une apparente transformation, le geste de l’artiste se mue en une formalisation de l’espace que nous habitons, non pas en tant que notion abstraite mais y intégrant concrètement tout ce qui la peuple, tout ce qui s’y développe, avec ou sans nous, mais que nous seuls pouvons tenter de percevoir.
Attention : l’exposition fermera ses portes le 24 septembre et rouvrira le 08 octobre.