Jusqu’à ce que rien n’arrive — Maison des Arts de Malakoff
Avec plus de vingt artistes représentés, l’exposition Jusqu’à ce que rien n’arrive offre une plongée dans la pratique contemporaine du dessin en offrant un parcours éclectique tout en subtilité qui explore les possibilités infinies de ce médium.
« Jusqu’à ce que rien n’arrive », La maison des arts, centre d'art contemporain de Malakoff du 2 décembre 2015 au 14 février 2016. En savoir plus Rappelant la filiation essentielle des deux termes dessein et dessin, le commissaire de l’exposition Pierre Vialle ouvre la question d’une pratique artistique presque immédiate, concomitante à la formulation, par l’esprit, de l’image. Prolongation directe de la volonté, il en serait ainsi l’expression la plus évidente et, par définition, la plus éclectique. Et, au vu d’une sélection d’œuvres qui mêle dessins méticuleux, expérimentations conceptuelles, écriture et photographies retouchées, chaque œuvre apparaît comme la formulation immédiate d’une idée. Avec son titre empreint d’une double négation, l’exposition pourrait être tout aussi bien une ode à l’imaginaire, au flottement de l’esprit face à la page blanche, paradoxe délicieux d’une procrastination qui, si elle ne produit pas, ne manque pas d’activer des réseaux de neurones déjouant la volonté première. À l’image de l’œuvre éponyme, Until Nothing Happens pour laquelle Vittorio Santoro reproduit chaque jour durant une phrase à un endroit précis de la feuille , la répétition, qui efface autant qu’elle appuie le trait précédent, s’achève en un signe brouillé, comme travaillé par le temps et détourné de sa direction initiale.De la pratique ancestrale du dessin réalisé au doigt sur le mur par Gaston Damag aux dessins des maîtres Alechinsky et Giacometti en passant par la reproduction d’une main de Fabiola Torres-Alzaga, le dessin se fait miroir d’un monde esthétique que la temporalité condensée de la pratique semble créer à mesure qu’elle avance. Zone de partage et d’échange, le dessin retranscrit à la vue de tous et dans sa planéité le tableau d’une image mentale, d’une idée qui se fait poétique dans la retranscription par Emma Kay, à main levée et sans modèle, d’une mappemonde dont une telle interprétation imprime une subjectivité et une sensibilité étonnantes, ou narrative avec les vignettes relatant la vie mouvementée du Dieu Pan de Benjamin Efrati. Une idée directe qui peut également, de par sa frontalité, devenir un message engagé avec les variations autour des logos de marques d’Adrien Guillet, les reproductions de signatures de Barack Obama par Jean-Philippe Basello, tissant un lien entre l’écriture et le pouvoir. Libre et espiègle la pratique du dessin rejoint aussi la boutade et la carte du monde d’Olivier Garraud partage la planète entre « losers » et « wieners » (qui signifie « saucisse », utilisé métaphoriquement dans l’argot anglo-saxon pour désigner le pénis ainsi que tous ceux qui se comportent avec autant de discernement que celui-ci), quand Thomas Wattebled imagine des slogans de supporteurs qui, ainsi formulés, ont des allures de pléonasmes (« What you see is what you see », « Hic et nunc ») à faire pâlir le désormais fameux « Ici c’est Paris » du club de la capitale française, ou renferment au contraire un message d’une ambiguïté confondante (« Less is more », « Form follows function »).
Enfin, la sélection d’artistes permet d’aborder la confrontation de la pratique du dessin, longtemps cloisonnée dans le secret des carnets et de l’atelier à d’autres médiums. À commencer par l’intervention directe d’Ann-Marie James sur des photographies de sculptures, les parasitant et imposant la marque de son regard sur des images dont elle s’empare. Le collectif Art & Language propose, lui, une reproduction de la mythique Origine du monde de Gustave Courbet qui évoque la plasticité du dessin, capable de s’approprier toute autre forme d’expression, de la reproduire et de s’en jouer. Figurant parmi les pièces les plus emblématiques de l’exposition enfin, la troublante ambiguïté des aquarelles de Giulia Andreani témoigne de ce pouvoir en composant des fragments de narration prélevés au sein de photographies d’archives dépouillées de leur contexte et dont le passage à un nouveau médium redonne vie.
Questionnant les symboles, les reproduisant et offrant un accès direct à l’imaginaire, Jusqu’à ce que rien n’arrive offre une réflexion réjouissante sur la pratique du dessin qui déjoue, à travers sa liberté, tous les attendus du réel et permettent de le penser, voire de le panser à l’infini.
La maison des Arts de Malakoff fermera ses portes du 21 décembre au 5 janvier 2016.