Laurent Le Deunff — Semiose, Paris
Conçue comme un display balayant différentes strates de ses travaux récents, la présentation de Laurent Le Deunff à la galerie Semiose est une réussite absolue, pleine de joie, de technique et d’expérimentation qui font de son œuvre silencieuse la narration assourdissante de la nature.
« Laurent Le Deunff — Whatever This May Be », Galerie Semiose du 22 juin au 17 août. En savoir plus Un tour de force qui passe par le maintien d’une tension subtile entre la séduction de l’image et l’art du contre-pied de l’artiste, hybridant les formes nobles et les manières populaires, perçant à travers les hiérarchies des tunnels mystérieux de drolatiques sens secrets. Laissant la matière dicter le motif et la raison de ces exquises rencontres, l’intention initiale de confronter sculptures sur bois et technique de rusticage (art d’imiter le bois par le ciment) systématise le brouillage des repères propre au chaos de la création. Face à l’incertitude de la frontière entre artisanat et art, au flou théorique de la création fantasmée comme chimiquement pure face à la répétition du geste et au mimétisme de la tradition qui donnent son titre à l’exposition (Quelque soit ce que cela puisse être), Le Deunff distille ses productions comme il jongle lui-même entre la pratique intime, au fil des émotions et des sensations, de la sculpture dans la masse à la mise en place du dispositif programmatique du rusticage, de la construction monumentale à l’ornementation miniature de talismans de poche.Une ligne invisible unit toutes ces créatures, tous ces objets ; un même souffle du geste, de la conjonction de forme et de matière qui dicte l’évidence de la pièce, de l’animalité à l’artefact, du faire à l’être. Il y a quelque chose alors du mystère, pendant non excluant du mystique qui fait du sculpteur celui qui répare l’âme de la forêt en lui reconstruisant son miroir dans des modes complexes et assumant, par la diversité des moyens employés, la multitude de lectures qu’elle appelle des hommes éprouver sa richesse.
Loin de porter la malice de son regard vers une relativisation cynique des différents modes et traditions de la création (dont il admire et pratique lui-même une multitude de pratiques) c’est sa volonté de mettre en relief l’ensemble du spectre de l’art, la liberté incompressible de toutes ses manifestations et la valorisation de toutes ces variations qui ressort définitivement de ce parcours.
Et dont le reflet s’illustre dans la capacité de l’artiste de marier dans chacune de ses œuvres, par la matière, la variation des focales depuis la formidable évidence du pouvoir évocateur la représentation, l’émerveillement de l’image et la technique virtuose mise en œuvre, parfois jusqu’à l’invisibiliser, pour en dessiner le plus méticuleusement possible, la magie imperceptible.
Sans enfermer tout ce que la création peut être donc, Laurent Le Deunff nous donne à sentir, au plus près, cet avènement du paradoxe, le plus à même de nous renseigner sur l’évidence.