Bruit blanc — Topographie de l’art
L’Espace Topographie de l’art réunit dans son exposition intitulée Bruit Blanc, douze artistes internationaux. Dans un jeu de symbiose qui s’abstrait de toute catégorisation académique, leurs pratiques et visions s’animent autour du dessin et de la musique.
« Bruit Blanc », Topographie de l’art du 21 avril au 16 juin 2018. En savoir plus L’aspect brut du grand hangar de l’espace Topographie de l’art accueille avec une grande justesse scénographique des œuvres fourmillantes dont l’iconographie sans concession n’a que faire du white cube. Imprégnées de musique rock et expérimentale, les œuvres disséminées sur les murs défraîchis du lieu raisonnent entre elles comme le feedback lancinant d’une guitare et de son amplificateur.Ce sont ces mêmes allers-retours que nous faisons à la rencontre de l’œuvre de certains artistes, notamment du Norvégien Sindre Foss Skancke. Son dessin dilate les portes d’un univers abyssal qu’il faut découvrir avec l’attention d’un rayon X. Aussi habitué à la peinture de grand format — un primitivisme et une sauvagerie que l’on avait pu voir à Toulouse en 2016 dans la fresque à l’allure pariétale sobrement nommée Hate is the Law; Suburban Deathworship and Drugmagic for 9 Basements qu’il avait conçue pour l’exposition Freux Follets —, il expose ici des dessins minutieux en noir et blanc : Violent Abstractions. Effectivement plus abstrait que dans certaines de ses dernières productions, Sindre Foss Skancke développe au mur une cartographie de dessins inédits qui évoquent la gravure d’une danse macabre. Comme au pied d’un vitrail dans une cathédrale, on devine certaines scènes : les silhouettes de ses squelettes dépouillés se déchirent et s’étirent dans un contraste radical. Dans une schématisation du motif propre au less is more de Mies van der Rohe, Sindre Foss Skancke semble pourtant peindre les êtres hybrides d’un monde qui croise l’artwork d’un groupe de black metal et les corps surréalistes de Fred Deux. Ainsi se dresse l’ombre d’une crucifixion ou d’un écartèlement, les formes amputées de corps meurtris, ce qui pourrait être un Kraken rampant, des sigles à décrypter…
Un réseau de formes déferlent et ouvrent alors les arcanes d’un monde fragmentaire et d’un ésotérisme transcendant. S’il est évident qu’il emprunte au black metal son iconographie sombre et son graphisme sinueux, l’abstraction de ses traits au feutre évoque les enluminures d’un manuscrit qu’on aurait photocopié à saturation. C’est peut-être cela que le travail de Sindre a de plus musical et de familier avec ces musiciens de la musique extrême (dont il fait également partie prenante avec son projet Utarm). C’est une étrange gestion de l’épuration et de la distorsion ; un évanouissement des matières vers le tissage de formes contrastées et sibyllines qui, ensemble, composent un motif presque cinétique. Un royaume de l’alchimie, de la mythologie et de l’occultisme, dont les symboles seraient répétés, évidés puis bouchés dans un continuum bourdonnant sans début ni fin.
Une frise dystopique d’un monde à l’agonie qui prend ses racines dans les scènes morbides de l’art religieux, le mystère de la science-fiction, mais aussi dans l’économie de la sculpture minimaliste des années 1960 et du dessin industriel.