L’Image pensée à la galerie Kamel Mennour
Sous l’excellent commissariat de Donatien Grau, l’exposition « L’Image pensée » à la galerie Kamel Mennour présente un ensemble de diapositives, partant du postulat que ce support revient en force depuis une petite décennie. Un parcours collectif qui met en regard les œuvres de Claude Lévêque, James Richards, Alberto Garcia Alix, parmi d’autres encore. Une moisson d’images pensées et un régal pour les yeux et l’esprit.
« L’image pensée », Galerie Kamel Mennour du 27 juin au 25 juillet 2013. En savoir plus A première vue, le titre de l’exposition pourrait se présenter comme une chambre d’écho au concept de Deleuze, l’image-pensée. « Tout exercice de la pensée, nous explique-t-il dans un de ses cours sur le cinéma, présupposerait une certaine image que la pensée se ferait d’elle-même »… Mais point ici de référence à la philosophie. Il s’agira plutôt d’un diaporama ou état des lieux de ce que le diapositif dispose comme formes aujourd’hui. Diapositive dans sa forme la plus originelle, projecteur à l’appui. Diapositive comme vidéo faite d’une succession d’images filmées ou encore photographiées.Claude Lévêque a lui choisi, telle qu’il l’exposait récemment à la Maison européenne de la photographie, la forme la plus élémentaire du diapositif, il projette sur un écran blanc au mur ses différentes images désertées par les humains. Alberto Garcia Alix penche vers la vidéo sonore où défilent des images en noir et blanc aux contours abstraits. Il nous raconte l’histoire de trois mouches, à la façon dont Dali aurait pu le faire, et frise un surréalisme poétique. Cette vidéo Tres moscas negras, réalisée en 2006, comble toutes les attentes, oscillant entre narration douce et calme et formulations angoissantes. Le montage, en tout point artistique émeut dans la tension. Tension vive provoquée par une évocation en image et en mots de la panique humaine. Brillant. Suivra la pièce de Camille
Quelle modernité du regard.
de Toledo, remarquable par l’aspect pictural qu’il donne à ses images de paysages flous présentés en dyptique. Défilent ainsi sous nos yeux des tableaux photographiques où l’univers d’Hopper fait souvent son incursion.
A l’étage, la première salle prodigue un bonheur exquis et sensuel. D’abord car nous sommes accueillis par deux jambes d’une femme qui marche dans l’eau. Sous l’effet de sa progression, deux sillons se creusent et dessinent une mécanique des fluides excitante pour l’oeil qui nage et se perd à ses côtés. Quand on apprend que le diaporama est signé de Paul-Armand Gette, 86 ans, une dose de perversité bienvenue contamine les images et laisse songeur. Quelle modernité du regard. En vis-à-vis, la vidéo syncopée et itérative (formée de deux images fixes qui tournent en boucle) Cigarette Drop Toop du jeune James Richards évoque quant à elle l’univers du monde de la nuit gay. Les deux œuvres se répondent à merveille sous le thème de la Sensation, nom d’ailleurs donnée à la salle.
Finalement, le parcours tout entier aurait pu s’appeler ainsi, car le corps y est toujours sollicité. Il brûle d’envie, de désir ou de peur, sans jamais se consumer, toujours éveillé par l’image, qu’il pense, mais surtout ressent.