Microscopie du banc — Micro Onde, Vélizy
Inspirée de la pensée du sociologue Marcel Mauss et son invitation à poursuivre l’observation de notre quotidien, l’exposition Microscopie du banc nous permet d’appréhender sous une autre focale l’organisation de la ville. À travers une réflexion poussée autour d’un élément essentiel de nos sociétés, le centre d’art Micro Onde transcende ses propres frontières en investissant la ville et propose un parcours qui se prolonge au hasard des déplacements quotidiens des habitants de Vélizy.
« Microscopie du banc », Micro Onde — Centre d’art contemporain de l’Onde du 9 avril au 25 juin 2016. En savoir plus Car chaque banc, derrière sa banalité ou sa superbe, est un enjeu sociétal. Antithèse du siège individuel, le banc porte en lui un rapport à la collectivité ; carrefour de rencontres aléatoires ou planifiées, suspension du mouvement de ceux qui l’occupent, suspension du temps de ceux qui savent en profiter. La présence même d’un banc public est la possibilité de se sentir reconnu dans l’espace en tant qu’individu, voire un enjeu politique lorsqu’il est déplacé ou détruit, on se rappelle des bancs mis en cage dans la ville d’Angoulême en 2014 ou de la prolifération des baguettes métalliques interdisant d’y adopter une position allongée. De lieu idéal de contemplation, le banc se fait objet d’étude et centre de toutes les attentions.L’exposition propose une variation historique, théorique et esthétique qui ne se perd pas dans la pédagogie, elle met en jeu la ville, l’espace urbain à travers des travaux qui mêlent les plans esthétique et et théorique pour toucher des problématiques sociales. La réflexion, passionnante, est parfaitement mise en valeur par la scénographie audacieuse et efficace. Elle renverse d’emblée la perspective avec une utilisation du banc comme structure modulable qui érige des cimaises qu’habitent œuvres d’art et ouvrages théoriques. Utilisée ainsi pour limiter l’espace, la structure fait passer la planche en bois, meuble élémentaire constitutif de la socialisation à un outil de limitation qui donne sens au parcours. Photographies, films et installations mettent ainsi en scène ce banc en observant ses usages, à l’image de la série présentée par documentation céline duval, mais aussi ses transformations, on pense à la très belle série de Daniel Gustav Cramer qui met en scène une planche que l’on se plaît à imaginer telle un banc enterré, isolé à flanc de montagne et occupé par une bande désorganisée de moutons. Cette inscription dans la nature fait écho au travail du designer japonais Isamu Noguchi qui envisage la création du banc à même la pierre, ou encore à la superbe installation d’Isa Melsheimer qui entoure sa structure de béton d’une multitude de plantes, offrant un contraste saisissant.
En parallèle, le banc devient l’élément central qui relie les protagonistes dans de véritables compositions de Martin Parr mais aussi le thème du prolongement de l’exposition avec les murs de photographies à observer assis sur l’un des bancs mobiles imaginés par Mathieu Mercier. Dans la ville, on s’étonne devant la structure de raumlaborberlin, une planche de snowboard montée sur pieds, on s’interroge sur la mise en regard de deux bancs qui se font face du même artiste et on se laisse surtout porter par la poésie du banc d’Alexandra Sà qui semble, à la manière d’un organisme végétal sauvage, proliférer et chercher ses racines dans l’espace urbain.
Microscopie du banc offre ainsi un parcours « total » où la réflexion, l’interrogation et l’imaginaire se mêlent pour ériger un corpus excitant et vivant autour d’un élément de notre quotidien, qui s’en voit transformé et transporté en un voyage immobile.