Iris Van Dongen — Galerie Bugada & Cargnel
La galerie Bugada & Cargnel présente jusqu’au 18 juin une nouvelle exposition d’Iris Van Dongen qui, avec cette série de dessins inédits, mêle les techniques et les époques pour proposer un ensemble précieux aux allures de fresque fragmentée qui se joue de ses propres contradictions.
Avec The Hunter from Noland, Iris Van Dongen s’engage dans une voie lumineuse, laissant les influences orientales qui l’ont toujours accompagnée exprimer leur clarté pour déployer, dans l’espace brut de la galerie, ses personnages noués dans des compositions complexes qui nous plongent dans un monde sans repère. S’il joue encore avec une forme de mélancolie, l’univers visuel de l’artiste est toujours chargé de cette émotion secrète et réflexive qui invite à un voyage imaginaire intime et contagieux.
Il faut d’abord saluer la scénographie, simple et sans artifice qui rend parfaitement justice à la peinture singulière de cette artiste qui développe depuis plus de dix ans une peinture au charme électrique. Derrière la beauté fatale et mélancolique de ses modèles, Iris Van Dongen se dirige avec beaucoup d’intelligence vers des ruptures de tonalités et des aplats superposés, empruntant motifs et couleurs à la tradition indienne qui lui permet, à travers cette nouvelle série de dessins, d’affirmer avec force son langage pictural et de laisser advenir une rencontre inattendue entre l’angoisse et la lumière, entre monde rêvé et réalisme virtuose.
Il y a alors, avec ce titre d’exposition semblable à un titre de conte, The Hunter from Noland, l’opportunité de voir en chaque œuvre un élément de compréhension de cet autre côté du miroir, habité par une végétation trouble et des animaux étranges, dont les lignes se superposent et brouillent les champs de vision. Ces mêmes lignes qui forment les tentures et autres objets de décoration deviennent alors des frontières à franchir pour pénétrer l’altérité. Les figures féminines côtoient ainsi des compositions désertes qui imposent leur lourd silence dans ce conte rythmé par des épisodes sans liens apparents qu’un être imaginaire, samuraï surréaliste au visage de porcelaine vient à son tour parasiter. On retrouvera également une très belle composition autour d’une figure géométrique nous laissant voguer vers une abstraction poétique affirmée où la liberté et l’expérimentation semblent constituer les fils directeurs d’une démarche en mouvement.
Car comme à son habitude, Iris Van Dongen organise la collusion de l’histoire et de la géographie, plongeant ses modèles d’aujourd’hui dans des univers hors du temps, les projetant dans des espaces sombres ou saturés de lumière qui créent un décalage vénéneux, où les regards, concentrés et sereins, semblent tout à fait à même de lutter avec cette altérité. Chacune de ses femmes devient alors une divinité abstraite des contingences, des nôtres d’abord puisque certains éléments témoignent qu’elles sont de notre temps, mais aussi de ce monde obscur qu’elles habitent ou qu’elles hantent, héroïnes impassibles d’une mythologie muette qui se poursuit d’une toile à l’autre.
En ce sens, ces nouvelles œuvres de l’artiste ouvrent encore un peu plus son univers et contribuent à un rayonnement qui continue de s’étendre et de répandre, tableau après tableau, le souffle d’une atmosphère sourde dont la clarté magnifie la belle obscurité, symbolique cette fois.
Iris Van Dongen, The Hunter from Noland, du 15 avril au 18 juin 2016 — Galerie Bugada & Cargnel, 7-9 rue de l’Équerre, 75019 Paris, du mardi au samedi, de 11h à 12h30, de 14h à 19h.