Né un 2 Juillet — Galerie Derouillon
L’été est cette saison pendant laquelle les galeristes affichent une certaine liberté. Exposant des artistes qu’ils ne représentent pas nécessairement et laissant cours à des propos encore plus personnels. Né un 2 juillet, show estival de la galerie Derouillon, illustre bien cette dynamique saisonnière.
« Né un 2 juillet — Group Show », Galerie Derouillon du 2 juillet au 24 septembre 2016. En savoir plus En premier lieu, le titre choisi pour l’accompagner ne semble pas être un choix anodin. Il s’agit d’une extrapolation, amusée, autour du film porté par Tom Cruise et signé Oliver Stone, qui a accompagné toute une génération dans les années 1990. Il s’agit là sans doute, en partie, de rendre hommage à une certaine culture populaire autant que de prendre une distance salutaire par rapport au sérieux du monde de l’art contemporain et à des références par trop érudites. Ici, on évoque les icones des ados que l’on fut sans complexe et c’est tant mieux. C’est sans doute ce que dit l’œuvre jubilatoire de Pierre Clément qui prend sa source sur le site Above Top Secret, « l’un des plus vieux sites Internet pour les ufologues, conspirationnistes, illuminés du web », qui est devenu pour lui « une source de nouvelles mythologies et de départs fictionnels ». C’est dans la section « SURVIVALISM », qui laisse cours à « une mouvance de personnes se préparant à toutes éventuelles fins du monde s’amuse-t-il ; astéroïdes, invasion zombie, extraterrestre, guerre nucléaire », qu’il trouve l’inspiration pour la pièce I’m prepping for the end of the world présente dans le parcours : un sac de farine pour survivre à l’apocalypse. Faux remède, traitement de l’absurde par l’absurde, cette pièce fait sourire en plus de séduire formellement.La douce plaisanterie est également présente dans les sculptures de Vincent Lorgé qui a sculpté les fesses de ses amies, ou ses compagnes, on ne saura pas, dans un classicisme détourné. L’académisme, en filigrane, vient définitivement s’écraser et s’évanouir sur le mortier, matériau imposant en dernier recours avec force sa contemporanéité. Un peu à la façon dont la photographie argentique de Roman Moriceau, Untitled (Filtered), qui s’amuse brillamment avec les codes d’une abstraction toute numérique. Formes et techniques ici s’entrechoquent pour créer un discours sur la modernité. Si le medium est classique, il faudra que la forme ne le soit pas. Ou inversement. Idem pour l’élégante acrylique sur toile de Ricardo Passaporte dont le traitement évoque directement un coup de stylet sur une tablette numérique. Le geste ou la manière, mais pas les deux, car sinon ne poindrait aucune impertinence ou aucun propos sur le contexte de création des pièces.
Cette génération de digital native autant que celle des artistes formés dans les années 2000 en pleine explosion de la bulle internet est en effet traversée par une question en sourdine : comment faire pour échapper à la précision du tout numérique ? On voit ainsi apparaître un ensemble d’artistes dont le but est de déborder du cadre, de salir et tordre le cou aux finitions parfaites. Le meilleur exemple se loge peut-être, ces temps-ci, dans les sculptures vives, jouissives et désirables de Romain Vicari, qui font ici du parcours un des plus beaux reflets de la création contemporaine.