Paul Graham au BAL
1984, sud de Londres. Paul Graham, comme des millions d’autres sans emploi, peuple les centres sociaux. Face à lui, l’attente, le désespoir morne. Beyond Caring naît dans ce climat de chômage et de désolation. Graham se saisit d’un appareil et contre le règlement intérieur, le cache sous un siège. Naîtront des images prises en grand angle, en contre plongée parfois, à la composition toujours instable comme une illustration du déséquilibre de ces situations.
Sur le moment, se remémore-t-il, « j’étais nerveux, je ne pensais qu’à pouvoir prendre ces clichés ». « Ce n’est que plus tard, explique-t-il, que j’ai construit mon discours critique. » À travers cette série documentaire prise en couleur, chose inédite pour ce genre de sujets, il insuffle une nouvelle vie au photojournalisme et renouvelle en profondeur le langage photographique de l’enquête sociale. Désormais le chômage pourra être traité autrement qu’en noir et blanc. Mais à quel prix ? Aujourd’hui il est difficile en regardant ces épreuves d’imaginer que leur
À travers cette série documentaire prise en couleur, chose inédite pour ce genre de sujets, il renouvelle en profondeur le langage photographique de l’enquête sociale.
traitement ait pu choquer et qu’une bataille idéologique ait animé l’opinion. Il est intéressant que le BAL permette de mettre un pied dans ce pan méconnu de l’histoire de la photographie.
La seconde série, The Present, réalisée il y a un peu plus d’un an dans les rues de New York, bien moins engagée, est plus conceptuelle. Graham sépare d’une minute deux prises de vue, pour, dit-il, photographier « la danse de la vie », le flux quotidien d’une ville. Idée sur le papier brillante, dans la réalisation un peu plus fade. Les diptyques montrant dans le meilleur des cas une personne à l’arrêt sur la première image, puis en train de traverser sur la seconde. Pas beaucoup plus. Dommage car le dispositif séduit vraiment. Peut-être faut-il se contenter d’aimer l’idée pour aimer la série.