Pierre Leguillon — Fondation d’entreprise Ricard
La Fondation d’entreprise Ricard présente, jusqu’au 27 avril, une exposition personnelle de Pierre Leguillon, « Parler aux yeux ». Déstabilisante, ouverte et silencieuse qui, dans le paradoxe de son sérieux, elle fait chavirer le sens pour offrir une expérience décalée, instructive, où l’inspiration naît de l’intuition joyeuse d’un partage à réinventer.
« Mathieu Bonardet — Back and forth », Les Tanneries — Amilly du 2 février au 17 mars 2019. En savoir plus Pierre Leguillon invite, dans son corpus, à des voyages à travers les images, puisant dans des corpus liés à l’art comme à l’histoire pour déplacer et repenser le sens, autant que la sensation, de l’exposition. Peu exposé ces dernières années à Paris, l’œuvre de Pierre Leguillon agita au début des années 2000 la sphère de l’art contemporain en mettant en scène des reproductions d’images et des éditions de textes « d’autres » que l’artiste intégrait à une géographie personnelle. Cette exposition à la fondation est l’occasion de mettre à jour la démarche singulière de Leguillon qui, empreinte de considérations critiques, théoriques et esthétiques, déploie en son sein une reconsidération profonde de notre rapport à l’œuvre.« Parler aux yeux » se démarque d’abord par le paradoxe d’un mutisme universel. Déployé en trois langues, français, anglais, japonais, le titre de l’exposition constitue la seule indication d’une exposition qui n’a pourtant rien de silencieuse et s’empare des mots des autres pour assumer l’invention de cette langue qui « parle » sans vocable, qui constitue la caisse de résonance d’un discours de l’image.
Saturant l’espace d’un motif visuel emprunté à la culture d’Amérique latine, c’est pourtant un voyage au Japon qui constitue l’essentiel des pièces présentées ici dans le Musée des erreurs qui occupe toute la seconde partie de l’exposition. À travers une sélection d’œuvres, bien moins mutiques qu’il n’y paraît, Leguillon établit des correspondances de sens visuelles, historiques et formelles qui se inventent leur propre manière de faire sens, non pas dans la linéarité apparente mais par un jeu d’allers-retours renforcé par l’énigme du silence (qui n’interdit pas pourtant la médiation par l’équipe de la fondation) d’une pochette remise à l’entrée de l’exposition et que Leguillon nous invite à n’ouvrir qu’une fois la visite achevée. Pleine de surprises et d’humour, « Parler aux yeux » est également une source de savoirs passionnants qui, jouant de la propre « étrangèreté » de l’artiste face à une langue qu’il ne maîtrise pas, nous projette dans un océan de signes qu’il nous appartient d’apprendre à déchiffrer.
C’est alors le visiteur qui devient chambre d’écho et fait vivre ce dialogue, l’articule en silence dans le voyage de ses pensées, dans le heurt d’une œuvre de la réception d’une œuvre non pas faite mais déplacée, une compilation d’intentions feintes que le rejet, l’adhésion, l’intérêt ou le mépris constituent en position discursive dont le jugement constitue la réponse.