Rachid Koraïchi — Galerie A2Z
La galerie A2Z accueille jusqu’au 6 mai une exposition exceptionnelle de Rachid Koraïchi qui revient sur les créations majeures de ces dernières années du lauréat du Jameel Prize 2011 dont l’œuvre ouvert témoigne ici de toute sa profondeur.
« Les ancêtres liés aux étoiles : Rachid Koraïchi », A2Z Art Gallery du 8 avril au 6 mai 2017. En savoir plus Artiste multiforme et multisupport, Rachid Koraïchi poursuit depuis près de quarante ans une démarche plastique plurielle qui s’accompagne d’une pratique de l’écriture décisive dans son rapport à la représentation. Une écriture que l’on retrouve dans ses images, largement imprégnées d’inspirations soufies. Cette pensée pyramidale religieuse et universaliste irrigue en effet tout son travail, pointant constamment la place de l’homme dans le monde, mais aussi le rôle de la spiritualité dans ses échanges. Une démarche qui tente de transcender les dogmes religieux pour faire se rencontrer les pensées, métaphysiques ou non, dans un élan commun. Les figures de René Char, Michel Butor côtoient ainsi des poètes du Michigan et autres maîtres soufis. Ses projets font largement appel à l’implantation géographique en ce que Koraïchi s’immerge, pour chacune de ses séries, au cœur de régions du monde pour y capter le souffle et rencontrer les artistes et artisans qui constituent des vis-à-vis intégrés dans ses propres dispositifs d’exposition.Pour le parcours Les Ancêtres liés aux étoiles, Rachid Koraïchi nous offre une plongée dans divers projets menés ces dernières années illustrant l’éventail d’une création empreinte d’histoire, de rencontres, de traditions et de réinterprétations. Céramiques, sculptures, peintures et tissus se partagent ainsi l’espace sur les trois niveaux de la galerie A2Z dans une exposition particulièrement riche et féconde. À l’image des magnifiques étendards de la série éponyme de l’exposition, Les Ancêtres liés aux étoiles, pièces de tissus monumentales reliées dans la tradition des ateliers de Damas et vouées à servir d’écrin pour une plongée au cœur de symboles des trois religions du Livre qui cohabitent et nous font face de leur vibrante beauté et de leur finesse sensuelle.
Si, comme ces étendards, nombre d’œuvres présentées ici emploient des signes de la graphie, ses compositions ne se confondent pas avec la pratique de la calligraphie. Son utilisation de la ligne évoque l’intelligence de la main, celle de celui qui dessine comme il écrit, de celui qui écrit comme il dessine. Cette illusion de la spontanéité n’a rien d’une facilité, elle donne au contraire toute leur « évidence » à ses figures, l’évidence de la rencontre et la complexité infinie de ce qu’elle engage entre les partis, pour autant que l’on envisage la multitude des points de vue qu’elle contient en son sein. Une intelligence de la main que souligne son attachement aux pratiques artisanales traditionnelles qu’il intègre dans ses œuvres pour les réactualiser, déplacer en acte des gestes séculaires et les adosser à une culture toujours en mouvement.
De même, il s’approprie la tradition pour inventer des formes comme en témoigne l’une des pièces les plus marquantes de l’exposition ; un accrochage de quarante neuf de ses « Priants », à la perpendiculaire du mur dont les lignes dansent, formant des pleins et des vides à mesure que le regard se déplace. À travers l’éclairage, les ombres elles-mêmes semblent s’émanciper et jouir d’une vie propre qui modifie en permanence les liens des figures entre elles, inféodées mais surtout imprévisibles et jamais prises au piège de l’identité. C’est que la part de l’ombre est elle aussi décisive dans la démarche de Koraïchi, qui pense le rapport entre les contraires et emploie l’ombre comme une prolongation de sa création, laissant ses œuvres mues par les fluctuations de la lumière. Une lumière dont seule l’ombre projetée est la garantie tangible.
Mystique, savoir et poésie se croisent ainsi dans cette exposition où les œuvres polymorphes évoquent toutes la réflexion symbolique du sens à travers une prégnance des mots comme motifs et créent des paysages imaginaires qui se lisent autant qu’ils nous plongent dans un inconnu fascinant. Résolument ouvert, ingénieux et même ludique, l’œuvre de Rachid Koraïchi dévoile une constellation de savoirs et d’inventions qui fait scintiller, dépassant les paradoxes de l’histoire et du temps, une farouche volonté de tisser du lien et de rappeler, face à la création, l’universalité du regard sans jamais rien ôter de la singularité de chacun.