Ralph Gibson — Galerie Thierry Bigaignon
À la galerie Thierry Bigaignon, l’artiste Ralph Gibson présente quinze photographies emblématiques de sa carrière accompagnées d’un dispositif musical inédit.
« Ralph Gibson — Vu, imprévu », Galerie Bigaignon du 17 mars au 12 mai 2018. En savoir plus La dernière exposition de Ralph Gibson chez Thierry Bigaignon, Vertical Horizon en 2016, fut une petite révolution dans la carrière fuligineuse de l’artiste. En numérique et en couleur, Gibson rythmait les murs de la galerie avec de nouvelles images grand format. Néanmoins sans abandonner les caractéristiques formelles et conceptuelles qui ont fait sa renommée, le photographe offrait un regard très habité sur le monde et une réflexion très perceptible sur la photographie.Les images exposées aujourd’hui à la galerie Thierry Bigaignon sont devenues des icônes ; presque des images génériques, maintes fois reprises et assimilées par les artistes et les regardeurs. C’est dans la perspective d’un désir de renouvellement qui insiste sur le caractère « rare et innovant » de cette proposition que la sélection a été réalisée par le galeriste et l’artiste. Directement adressé aux nombreux collectionneurs de l’artiste, cet arrangement en musique permet la lecture nouvelle d’une œuvre photographique de légende.
L’histoire de l’art est ponctuée d’incursions qui mêlent sons et arts visuels. Si Kandinsky et son hyper-sensibilité synesthésique est un des exemples les plus connus de cette fusion, les rapprochements actuels entre musique et arts sont nombreux. Cette symbiose est souvent amenée sur le terrain de la performance, du live et de l’image animée. La rencontre de l’artiste Cameron Jamie avec le groupe The Melvins au Centre Pompidou en 2004 est un événement qui a fait date dans ce champ de lectures multiples. En 2006, la performance et installation de l’artiste plasticien Banks Violette à la galerie Maureen Paley de New York évoquaient également cette rencontre pluridisciplinaire. Alors qu’un groupe jouait à l’étage inférieur, l’artiste présentait les modelages en sel des instruments des musiciens. Dans un jeu de stratification et de frustration (le public ne pouvait pas voir le groupe, mais seulement l’entendre), Banks Violette délivrait alors une œuvre fantomatique qui résonnait comme la parfaite union entre son et matière.
Pour l’exposition Vu, imprévu, Ralph Gibson ne convoque ni la performance, ni d’intervenant extérieur : à la fois musicien et photographe, il orchestre les médiums entre eux. Les photographies — sûrement ses plus connues — sont accrochées au mur dans une scénographie des plus classiques. Des codes QR situés en dessous des œuvres à la manière d’un cartel indiquent une direction à emprunter pour obtenir plus d’informations. Munis d’un smartphone et d’un casque audio — une fois le code scanné —, nous sommes téléportés vers une plateforme de streaming qui joue un morceau de musique composé et interprété par Ralph Gibson lui-même. À cheval entre la musique concrète, ambiant et un répertoire instrumental folk à la guitare, l’artiste propose pour chacune de ses images, un court morceau original. Il utilise ses photographies comme une partition : ainsi support de projection, nous sommes propulsés dans une couche supplémentaire et sensible d’interprétation. Le dispositif de monstration — s’il est rigide et convenu à cause d’une expérience technologique qui malheureusement brise l’immersion — se distingue par sa singularité car il se concentre sur la conjugaison rare de l’image fixe et d’une musique originale dédiée.
L’intervention inédite et auto-générative de Gibson permet ainsi une relecture d’images éreintées par la vue et le temps. Comme augmentées, ces images puissantes (re)gagnent une aura et une place dans la frénésie de la culture visuelle.