Sandra Rocha — Galerie Les filles du calvaire
La galerie Les filles du calvaire présente une exposition personnelle de l’artiste Sandra Rocha, qui trouve ici un nouvel écrin pour réactiver sa série Le moindre souffle, présentée en fin d’année dernière au Cpif de Pontault-Combault.
« Sandra Rocha — Le moindre souffle », Galerie Les filles du calvaire du 5 au 30 juillet 2022. En savoir plus Avec quelques variations et une scénographie repensée, la série de Sandra Rocha, qui met en scène des métaphores visuelles des Métamorphoses d’Ovide, prend ici un tour plus conceptuel, marquant plus avant les ruptures d’échelles et les leurres. Réalisés pour une majorité d’entre eux au cœur d’un environnement naturel qui lui est plus que familier, les clichés revisitent les mythes en s’emparant de corps de jeunes gens qui participent, dans la liberté du jeu, aux compositions élaborées par Rocha.Dans cette complexité chromatique intense d’une nature à la dynamique incandescente, les corps alanguis tranchent avec une sourde tranquillité. Le réalisme magique de Rocha embrasse les mythes d’Ovide pour les faire vivre comme autant de lignes de fuite dans un parcours qui invente un romantisme dépouillé de toute spectaculaire sensualité. Le rapport au monde, l’attachement à la nature se fait ici en toute simplicité, glisse sur les corps sans s’apesantir sur les formes ; la chair plutôt que l’organe, la singularité plutôt que le genre. Comme un jeu qui nous convie à notre tour à nous méfier des apparences ; l’immense et magnifique chute d’eau, séparant la paroi rocheuse d’un blanc laiteux n’a rien dépasse et abandonne presque la métaphore organique pour se faire pure image, les animaux partagent la scène avec leurs cousins artificiels, représentations en plastique d’espèces exotiques rêvées.
La littérature, la reproduction artificielle, le jeu et l’éphémère se conjuguent ainsi à la nature qui, pour majestueuse qu’elle est, ne trouve son sacré que dans l’imaginaire qu’elle engendre. Une leçon là encore des Métamorphoses d’Ovide, viscéralement liées à une forme de vérité dont elles sont devenues agents performatifs de l’imaginaire, paysages mentaux aussi prolixes et sensibles que les panoramas grandioses du monde qui nous entoure.
Une liberté formelle qui se déploie avec une rare spontanéité, glissant çà et là, dans un parcours dense et équilibré, les trouvailles de la photographe. Des découvertes d’objets à l’image de ces feuilles mortes immenses, rencontrées par hasard, à la valeur esthétique indéniable trouvant dans leur déchéance biologique une espiègle gémellité avec la reproduction organique.
Cette liberté, cette simplicité enfin, s’inscrivent tout entières dans un projet plus engagé qu’il n’y paraît. Dans ces expériences visuelles, dans ces manières de se réapproprier la nature, de s’en laisser pénétrer, c’est sa propre singularité qui est mise à l’épreuve. L’inconditionnelle plasticité de notre rapport à une identité que l’on peut déjouer et qui, dès lors qu’elle est imposée par d’autres, n’oppose qu’une maigre résistance face à l’immensité du reflet qui nous fait face et dans lequel il nous appartient de puiser l’image qui nous dessine le mieux.
Lire notre critique Sandra Rocha, Le moindre souffle, Cpif Pontault-Combault