Steve McQueen — Galerie Marian Goodman
La galerie Marian Goodman présente jusqu’au 27 février une nouvelle exposition de Steve McQueen, qui fait de la question du spectre le thème central d’un parcours hanté par la vie et la mort.
« Steve McQueen », Galerie Marian Goodman du 9 janvier au 27 février 2016. En savoir plus Pièce centrale du dispositif de l’exposition, les deux vidéos qui constituent Ashes, projetées de part et d’autre d’un écran placé au centre du sous-sol, reprennent les codes de la thématique du spectre qui hante l’œuvre de McQueen. Dans un décor de rêve, l’île de la Grenade dont est originaire la famille de l’artiste, un jeune homme, Ashes, nous accompagne dans une balade en mer des Caraïbes. Insouciant et joyeux, ses facéties rythment un voyage sans but. Ces images, tournées en 2002, prennent soudain une dimension terrible. En fond sonore, le récit bouleversant et simple d’un de ses amis raconte son histoire et les conséquences tragiques de sa découverte d’une cache de drogues, que les trafiquants viendront bien vite réclamer.L’envers de cette vision paradisiaque est précisément la construction de la stèle du jeune Ashes. De l’autre côté du miroir, on bâtit sa mort. Au long de plans magistraux, McQueen met en valeur la virtuosité et la simplicité de gestes quotidiens dédiés aux souvenirs. De la préparation de la plaque de marbre au montage de la stèle, le cinéaste, passé maître dans l’art de révéler la profondeur de chaque émotion dans d’intenses et subtils cadrages, offre un documentaire hypnotisant de beauté qui, dans son opposition frontale au précédent et loin du champ symbolique qu’il explorait, nous confronte à la glaçante réalité. Cette double perspective se voit alors accentuée par un impressionnant mur de néons. Recouverts de peinture, leur lumière sombre installe dans l’espace un sentiment de recueillement qui prend tout son sens à la lecture de cette exhortation au souvenir déclinée à l’envi : “Remember me”. Comme une prière muette formulée par une foule de jeunes Ashes dont l’identité, spectrale, ne se perçoit qu’à travers les graphies, qui identifient autant d’individus anonymes.
Avec sa frontalité et sa maîtrise parfaite du signe, Steve McQueen signe là un parcours fascinant, que la gravité tenace des rochers peints Moonlit et sa colonne d’ébène Broken Column finissent d’arrimer à l’imaginaire pour en appuyer définitivement le propos ; saisir la fragilité de la vie tout autant que sa persistance éthérée dans le monde et son influence sur nos corps.