Thomas Hirschhorn — Galerie Chantal Crousel
Chaque nouvelle exposition de Thomas Hirschhorn est un événement et Pixel-Collage, présentée à la galerie Chantal Crousel jusqu’au 26 février ne déroge pas à la règle. Fort d’une réflexion nouvelle autour du phénomène de pixellisation, l’artiste explore la notion des limites de la monstration pour l’intégrer aux codes d’une société qui a fait de l’information un enjeu stratégique et essentiel du pouvoir.
« Thomas Hirschhorn — Pixel-Collage », Galerie Chantal Crousel du 9 janvier au 26 février 2016. En savoir plus À contre courant de ses installations monumentales et notamment du dernier dispositif présenté au Palais de Tokyo, Thomas Hirschhorn présente une exposition aux abords classiques, presque sages malgré la relative banalité de ses matériaux. Sur les cimaises de la galerie s’étalent des panneaux immenses qui mélangent clichés terribles et images retouchées. Pour autant, derrière cette apparence moins tortueuse que ses constructions parées de leur scotch caractéristique, l’artiste poursuit son investigation de la pensée humaine et de sa représentations dans nos sociétés.Avec ses images sans mots, Thomas Hirschhorn frappe au cœur des esprits. Les fonds pixellisés, issus de magazines de mode, sont comme renversés, rendus flous par l’imposition d’images de victimes de guerre, confrontant la banalité du corps comme support de consommation à la « redondance » de sa destruction, aux chairs et organes déchirés. Des visions d’horreur que nos sociétés s’interdisent, voire interdisent, de regarder en face, qui ont pourtant de nombreuses choses à nous montrer. Sans céder à la simple provocation d’un débat complexe qui met en jeu l’usage symbolique, politique et polémique que l’on en peut faire, Hirschhorn pose la question du flou qui les entoure tout en les « traitant » réellement, les insérant dans un contexte certes conflictuel, mais qui mette en jeu notre propre perception de la réalité. S’il n’utilise pas ici de citations, l’artiste n’en a pas pour autant fini avec les mots et fustige, dans un texte expliquant sa démarche, la pensée de Donald Rumsfeld, ancien Secrétaire de la Défense des États-Unis, regrettant que « la mort tend[e] à favoriser une vision démoralisante de la guerre ».
Indigné et insoumis, il déjoue ainsi, par la maximisation des pixels qui la forment, les paradis artificiels « moraux » eux, des campagnes publicitaires et recouvre d’une couche plastique ses compositions, leur offrant une seconde peau et évoquant indéniablement la mise en sac des corps assassinés. Ce dédoublement des perspectives répond ainsi au jeu fondamental de Thomas Hirschhorn qui, en exagérant de façon aléatoire cet élément essentiel de l’image que constitue le pixel, creuse si loin le détail qu’il rend l’ensemble illisible pour choisir à son tour quoi réduire au silence.
Avec Pixel-Collage, Thomas Hirschhorn continue ainsi de creuser le sillon d’un art qui, en son langage propre, explore les limites du notre et, par le biais d’un médium qui en renouvelle la forme, prouve que la création plastique n’a de cesse d’en élargir la portée.