Anne Bourse — Galerie Edouard-Manet de Gennevilliers
Présentée au sortir d’une période de restrictions sanitaires limitant de fait les manifestations d’art, l’exposition d’Anne Bourse à la Galerie Edouard-Manet de Gennevilliers embrasse radicalement son époque en prenant le parti de la réduction, voire de l’abandon.
La liste d’éléments présents, particulièrement succincte, prend le contrepied de la monstration en érigeant l’acte « d’exposer » comme principe moteur. Par le retrait, l’élimination successive de marques d’occupation, seuls de maigres indices subsistent à l’état de sensations, interprétation nécessaire demandée au visiteur pour tisser le fil narratif d’un récit à reconstruire (si ce n’est à réinventer). Une implication d’envergure qui froisse encore la notion d’auteur.
Déracinée et orpheline de toute direction assumée, la succession de percepts que fait naître Anne Bourse s’ébat dans un sentiment trouble, bien présent lui, d’absence redoublée. Les luminaires procèdent d’assemblages de papiers et de figures aux contours brouillés, des cœurs se noient dans la précipitation d’une réalisation saccadée. De la mélancolie immédiate suggérée par les tons passés, des images brinquebalantes d’un artisanat habité, on ne sait qui s’en est allé ; entre la torpeur d’un auteur effacé derrière une réalisation alanguie assumant l’absence d’application et de technique ou le vide laissé par d’autres dont les spectres eux-mêmes ont déserté l’espace. La seule figure humaine, un pantin, être par essence désincarné, gît béante dans une structure précaire, elle-même abandonnée.
Le souci du décor et le goût de l’aménagement intérieur se heurtent alors à une esthétique de l’arrachage et, de la vertu ludique de rejouer, à partir de matériaux de fortune, l’opulence d’une réalité rêvée, c’est le cauchemar de l’impuissance à maintenir clairs les contours d’un passé désiré qui se fait jour.
Un redoublement de la perte qui confine alors à l’abandon et fait de ce parcours le reflet radical d’une fuite de repères proche du désespoir. Dur et rêche, ce minimalisme absorbé dans l’ambiguïté d’un propos dont on ne sait à qui il s’adresse intrigue autant qu’il touche et nous laisse désarmés, témoins d’une proposition qui n’en était peut-être même pas une.