Entretien — Tatiana Wolska
Lauréate du Salon de Montrouge 2014, Tatiana Wolska y présente, ainsi qu’au Palais de Tokyo, un ensemble d’œuvres récentes qui nous permettent de rentrer de plain-pied dans un travail méticuleux et onirique, où les matières s’emmêlent pour former un tout organique envoûtant.
Il y a, dans vos œuvres, une prégnance de la forme organique qui tranche avec l’aspect purement artisanal de votre pratique. Doit-on y voir l’idée d’un organisme qui serait autonome ?
Je pense que cela porte sur cette idée du parasite, au début, la forme organique n’a été qu’un prétexte pour faire, je n’ai jamais réfléchi ou conceptualisé cette démarche. Mes premières sculptures étaient des bouteilles d’eau minérale découpées et soudées par la suite au fer électrique. Cela a automatiquement formé des courbes.
Ce retour à l’organique du matériau plastique a donc presque été opéré par accident…
Je pense en effet que j’avais fait une overdose des formes minimalistes, inconsciemment peut-être il y avait ce désir de forme.
Il y a également quelque chose de sensuel dans vos œuvres, s’agit-il d’un élément essentiel de votre travail ?
Cette dimension est effectivement présente dès mes premières sculptures, mais il y avait également une démarche économique, il s’agissait de bouteilles retrouvées dans la rue, dans les poubelles.
Au palais de Tokyo, vous jouez beaucoup avec la lumière, votre sculpture dessinant sur le mur une ombre qui semble s’imprimer sur l’espace.
C’est la première fois que j’ai vraiment pu jouer avec la lumière comme je le faisais alors que j’étudiais encore à la Villa Arson, où je projetais mes lumières et mes ombres. Face à cet espace du Palais de Tokyo, j’ai pu me permettre de réaliser un tel projet.
Comment s’opère l’articulation avec la sculpture en bois que vous présentez au Salon, qui maintient elle aussi cette sensualité mais paraît plus imposante ?
Il s’agit de chutes de bois récupérées d’une entreprise qui les jette, que j’assemble bout à bout avec des vis. Par contre, j’y introduis des morceaux de meubles ; c’est une problématique qui m’intéresse ce rapport entre design et sculpture et la question d’un objet qui dérange, qu’on a du mal à ranger, manipuler… Par exemple, dans mon atelier j’ai récupéré un tronc de chêne que j’ai retravaillé pour y placer simplement un trou, de façon à ce que cette structure gigantesque devienne un simple porte-plume. J’aime cette idée d’une sculpture imposante qui va faire office d’objet usuel.
La gestation doit donc être particulièrement longue ?
Cela peut être effectivement très long. Par exemple, certaines structures sont trouées de partout pour solidifier la structure, la réalisation est complexe. Mais il s’agit de la même chose pour mon dessin, c’est un travail de titan.
Justement, quelle est l’histoire de ce dessin présenté au Salon de Montrouge ?
C’est en quelque sorte une cassure par rapport à ce que je faisais jusqu’à maintenant. Je commence à faire un travail que je ne faisais pas jusque-là, mes dessins étaient plutôt des réalisations automatiques, pas du tout composées, comme des motifs griffonnés au cours d’une conversation téléphonique. Depuis le début de l’année dernière je commence à utiliser tous mes gestes ramassés depuis des années.
Ce rapport au temps long joue dans votre création ?
Énormément, la pièce Work in Progress au Palais de Tokyo, qui présente des capricornes forant à l’intérieur d’un morceau de bois est un clin d’œil à ma propre pratique. Le capricorne qui passe sa vie à gratter, à faire des lignes, des dessins dans la planche, c’est moi.