Paris Gallery Weekend 2020 — Interview Marie Delas
Tangible, vivant, ancré dans le réel et résolument tourné vers l’expérience et la mise en valeur d’un patrimoine dynamique, celui de la scène artistique contemporaine parisienne porté par ses galeries multiples et singulières, Paris Gallery Weekend s’annonce, en cette année exceptionnelle, comme l’un des événements les plus marquants de la saison. Du 02 au 05 juillet 2020, ce sont une soixantaine de galeries qui ouvriront leurs portes de concert pour un week-end artistique, festif et responsable.
Guillaume Benoit : Pourriez-vous revenir pour nous sur la genèse de la manifestation Paris Gallery Weekend ? En quoi celle-ci se singularise par rapport à d’autres initiatives conjointes de galeries ?
Marie Delas : CHOICES Collectors Weekend est né en 2014 sous l’impulsion de Marion Papillon, avec l’ambition de fédérer les galeristes autour d’un évènement commun, pour et par les galeries elles-mêmes. Au fil des années, nous avons fait évoluer le projet en Paris Gallery Weekend, l’inscrivant ainsi à l’échelle internationale. Paris Gallery Weekend se distingue particulièrement des initiatives plus locales par une dimension internationale voulue depuis le début et renforcée par une collaboration à échelle européenne avec d’autres villes : Bruxelles, Madrid, Milan, Lisbonne…
Difficile de ne pas évoquer le contexte de crise sanitaire qui a frappé la France ces derniers mois. Paris Gallery Weekend, est l’un des seuls événements à se voir maintenu et constitue l’une des rares occasions de fédérer la scène artistique parisienne. Êtes-vous soulagée, à titre personnel, de ce maintien ?
Soulagée, mais surtout incroyablement consciente de la chance que nous avons de pouvoir maintenir l’évènement dans ce contexte. C’est, pour nous et les galeries participantes, une opportunité à saisir pour agir ensemble et montrer ensemble la richesse de l’offre des galeries parisiennes.
En quoi ce contexte impacte-t-il son organisation ? L’enthousiasme l’emporte sur les nombreuses difficultés et craintes qui ont pu rythmer la mise en place de l’événement ?
D’un point de vue pratique, il y a eu de nombreux ajustements concernant la programmation. Les calendriers ont été chamboulés, beaucoup d’expositions ont été revues ou repoussées, l’intégralité du programme VIP mis en place avant le confinement a été annulé. Optimistes et déterminés, nous nous savions suffisamment agiles et prêts à nous adapter. À partir du moment où les galeries étaient autorisées à rouvrir, nous devions être en mesure de réorganiser l’évènement. Nous avons donc revu notre format, et proposé aux participants un Gallery Weekend recentré exclusivement sur les parcours dans les galeries. Pour les galeries autant que pour le public, il y a un enthousiasme plus fort que jamais ; il y a l’attente d’un évènement artistique fédérateur à Paris.
Des mesures de sécurité, dont on sait que les galeries les expérimentent avec succès depuis plusieurs semaines maintenant, auront-elles cours et le public est-il invité à se plier à un protocole particulier ?
Oui, les règles de sécurité sanitaire et de distanciation sociale seront clairement appliquées dans les galeries.
Il semble, dans l’océan de bouleversements de la saison artistique, que Paris Gallery Weekend souffle un vent d’optimisme pour les amateurs d’art, non seulement en offrant une perspective de découvertes, de rencontres, mais aussi en s’inscrivant dans les questionnements de nombreux galeristes quant à la multiplication d’événements de plus en plus dépersonnalisés. Ici, chaque galerie donne à percevoir sa propre ligne. Pensiez-vous qu’une telle manifestation revêtirait ce caractère d’« alternative » ?
Oui, c’est ce que nous avons toujours dit. Nous défendons depuis longtemps l’idée que c’est une façon singulière et différente de découvrir l’art en dehors des traditionnelles visites d’institutions ou de foires. Aller dans une galerie, c’est entrer dans un espace particulier et un véritable univers. Les promenades en galeries permettent de plonger dans des ambiances uniques où se mêlent la personnalité du galeriste, l’architecture du lieu autant que la programmation.
Au-delà de fédérer des volontés communes de mettre en avant l’art d’aujourd’hui, mais aussi des énergies qui se font écho, Paris Gallery Weekend véhicule cette idée d’une scène artistique festive. Cette énergie vous semble-t-elle singulièrement s’adapter à Paris, à l’histoire séculaire des galeries (marchandes) d’art en son sein ?
Les galeries ont toujours joué un rôle central, jouant et catalysant le caractère festif et inclusif de l’art contemporain.
Les galeries y constituent en effet un mode diffusion passionnant de la culture, ouvrant à tous les publics et gratuitement les portes de propositions de pensée parmi les plus exigeantes de la réflexion contemporaine. Cette ouverture essentielle, ce rôle majeur du secteur dans la culture participe-t-il de votre réflexion à chaque nouvelle édition ?
Oui bien sûr, avec Paris Gallery Weekend, nous soulignons l’importance du galeriste et son rôle dans le monde de l’art. Je ne suis pas galeriste moi-même mais j’ai la chance de travailler quotidiennement avec eux et ne me lasse pas d’admirer ce métier si exigeant et crucial dans le secteur culturel.
Le Gallery Weekend essaime dans toute l’Europe, sentez-vous un attachement des publics de métropoles à cette monstration de l’art bien particulière qu’est la galerie ? Cette initiative procède-t-elle d’un désir de rappeler l’ancrage local de scènes qui, riches de leur cosmopolitisme et origines diverses, passent par l’émulation d’une ville ?
Je pense surtout que ces initiatives émanent des galeries, de l’envie de revenir à leurs espaces, de mettre en valeur l’essence de leur métier. C’est en prenant du recul qu’on peut constater qu’il y a aussi une façon de découvrir la ville de façon singulière et de souligner l’ancrage de ces acteurs dans le paysage local.
Paris Gallery Weekend, en s’attachant à réunir le maximum de galeries dans un temps et des lieux donnés, en choisissant précisément de ne pas imposer de thème, porte-t-elle la volonté de souligner la liberté de ses galeries participantes ?
Paris Gallery Weekend rassemble une famille de galeries et ne cherche pas à influer sur leur programmation. Au contraire, nous faisons une entière confiance aux galeries participantes et à leurs choix. Nous mettons donc en valeur les expositions qu’elles ont choisi de présenter, en toute liberté.
Imposez-vous cependant quelques formes de contraintes aux participants ?
Pour que ce weekend prenne un caractère spécial, nous incitons toutefois les galeries à faire évènement et organiser des rencontres, discussions, signatures, talks… afin de montrer que Paris Gallery Weekend est un moment particulier pour accueillir le public et échanger.
Certaines expositions ou projets artistiques sont-ils nés expressément de la manifestation et, à titre personnel, des propositions ont-elles marqué durablement vos souvenirs ?
Évidemment, en organisant Paris Gallery Weekend, je passe toujours plus de temps à me promener d’une galerie à l’autre, d’un quartier à l’autre, à la découverte du travail d’artistes qui ont nourri quelques projets d’expositions, aux côtés de Jean-Max Colard par exemple. Par extension, je propose aussi à quelques groupes d’amis des pérégrinations artistiques. Depuis peu, l’idée de parcours dans la ville accompagne également un projet plus personnel et moins artistique que je dévoilerai à la rentrée.
Le programme de cette année est particulièrement riche (et à bien des égards particulièrement réjouissant) ; sans évidemment réduire l’investissement de chacun, des temps forts vous paraissent-ils intéressants à relever ?
Dans son ensemble, la programmation des galeries révèle un caractère optimiste, estival et joyeux ! C’est ce qui me semble le plus important à retenir et qui donnera, je l’espère, l’envie de s’y rendre !