Anarkhè-Exposition — Centre Wallonie-Bruxelles, Paris
L’ensemble impose, dans ce parcours immersif pensé par Stéphanie Pécourt, un brouillage initial des frontières qui participe de la complexité d’une exposition système et reflète la visée portée par son titre, Ad astra per aspera (Vers les étoiles à travers les difficultés), devise inscrite en mémoire de l’équipage d’Apollo 1 mais aussi sur les « Golden Records », des disques en or embarqués à bord des vaisseaux spatiaux Voyager lancés en 1977 à la dérive interstellaire par la Nasa sur lesquels sont gravés de multiples sons propres à la Terre. Vision onirique de nos rêves mécaniques, ces sons muets dans l’espace irriguent l’imaginaire qui préside à ce parcours.
Débarrassées de toute réduction anthropomorphique, les inventions des artistes exposés n’en semblent pas moins munies d’une forme de singularité, dans leur manière de produire signes et sons comme dans leur apparence même, qui confine à l’individualité et participe d’un mouvement commun à l’étrange résonance affective. Ici, ça vibre, ça pousse, ça tente et ça échoue ; les mécanismes s’épuisent à essayer, à répéter pour capturer une forme d’événement commun. L’harmonie n’est qu’une illusion dans un monde respectueux des singuliers, une leçon continue dans cette exposition intense et troublante, qui parvient à user de son foisonnement pour imposer le fonds théorique d’un propos particulièrement ambitieux.
Entre science mécanique et conscience robotique, les actions et interactions des entités qui peuplent ce parcours parviennent, dans leur dialogue aussi aléatoire qu’inhérent à la raison de chacune d’entre elles, à créer un nuage éthéré de sens qui aura le mérite de brouiller, pour un temps, les certitudes de celui qui s’y aventure. Et, partant, de suspendre les catégories systématiques d’une science qui crée la vérité mais n’en épuise pas les possibles.