La Femme d’à côté — Galerie Les Filles du Calvaire
Avec La Femme d’à côté, la galerie Les Filles du Calvaire propose une fois de plus une exposition audacieuse servie par une trame narrative subtile, qui suit les ondulations d’une réflexion délicate et sensible sur la question du féminin.
La Femme d’à côté est en effet parcourue de flux qui sont autant de perspectives ouvertes sur des univers très personnels d’artistes dont la réunion, si elle se fait sans heurt, ne manque pas de courants de différences, de stimuli encourageant les accidents de la pensée pour mieux porter l’idée d’infini pluriel inhérent à toute réflexion sur le genre. Portraits, trompe-l’œil et figures de femmes, le féminin hante ce parcours qui n’hésite pas à jouer d’une esthétique presque romantique pour mieux questionner la distance entre femme et féminité, cette construction d’un sujet face à un monde qui en a bien souvent déjà construit l’image.
Les peintures sensibles et étranges d’Elisabeth Llach, tout comme l’esthétique inquiétante des travaux de Juul Kraijer imposent ainsi une entrée par le romantisme et installent une atmosphère vaporeuse où la forme se mêle à l’idée pour inventer, par un jeu d’échos, un langage féminin dépouillé des attendus du genre. Un dialogue secret prolongé par les interventions de Paz Corona, pour qui la question de la féminité se joue proprement dans ce flux, dans l’entièreté de la donation, dans l’infini d’un langage de l’être : « Je parle aux murs » comme une conversation solitaire, monologue infini pour parler faire vivre l’autre en soi. C’est de trouble, esthétique autant que psychologique dont il est question ici, l’exposition glissant allègrement de part et d’autre de la frontière symbolique à la faveur de ces œuvres qui laissent jouer dans leur silence la part de féminité que l’on veut y déceler.
En ce sens, sans appuyer l’interprétation, la scénographie révèle une interpénétration de ces corps et de ces regards pour fabriquer une véritable proposition narrative, cette femme d’à côté qui cristallise les fantasmes autant qu’elle les transperce de par sa vie même. Les photographies de Catherine Poncin appuient encore ce trouble théâtral en choisissant les coulisses d’une féminité qui se produit sur scène. La Femme d’à côté devient alors cette image décalée, spectre évanescent qui hante l’image « à côté », silhouette irréductible à l’enfermement. Et les photos de Karen Knorr, avec leurs femmes pompeusement parées au sein d’intérieurs bourgeois, surmontées de textes à la critique acerbe viennent à point nommé briser la continuité pour installer une ironie salvatrice dans un parcours qui prend ici toute sa dimension.
À travers la peinture enfin, et les deux très belles propositions de Katinka Lampe et Claire Tabouret, qui attaquent l’intégrité des visages qu’elles peignent comme pour en brouiller l’identité sans l’annuler, La Femme d’à côté finit de dérouler ce fil d’une pensée dont la retenue ne fait que souligner la profonde subtilité.