Sèvres Outdoors 2014 — Cité de la Céramique de Sèvres
Avec Sèvres Outdoors 2014, les galeries parisiennes s’offrent un écrin de premier choix pour honorer les sculptures et installations monumentales de leurs artistes tout au long de l’été.
Si la visée curatoriale de l’événement se veut sans prétention, le parcours, très agréable, mêle des artistes venus d’horizons très différents et aux préoccupations diverses qui trouvent ici un terrain propice à la mise en valeur de leurs œuvres. Autour du bâtiment principal se succèdent ainsi des œuvres fortes, dont la drôlerie n’a d’égale que la réussite formelle et l’intelligence de la dimension. Dans la maximisation d’abord avec la croix d’Ernesto Sartori, réplique monumentale du signe multiplicateur, son imposante sculpture joue aussi de la simplicité du motif, de sa curieuse « perfection » face au réel, relevant la tension inhérente à toute lecture rationnelle du monde autant qu’à l’ambition architecturale d’imposer la logique des formes sur la nature. À l’opposé, Vincent Olinet, avec Rouge Sèvres érige un rouge à lèvre taillé au cœur d’un chêne, dont l’extrémité, une pointe peinte de rouge et grossièrement taillée finit d’en faire un objet hybride ; canon militaire dressé vers le ciel, organe sexuel exhibant sa virilité ou reproduction « naturelle » d’un classique du maquillage féminin, la force brute de la sculpture étonne et, indiciblement, marque les esprits pour mieux les activer.
Dans cette première partie de parcours et ressemblant étrangement à des distributeurs de bonbon Pez, les Totems en bois de Laurent Le Deunff conjuguent les références pour dessiner une œuvre audacieuse, libre et profonde, qui questionne, tout en retenue, aussi bien la représentation animalière, sa sacralisation que notre propre capacité à les percevoir.
La seconde partie, dans au cœur d’un jardin entouré d’arbres, révèle également de très belles pièces avec notamment un étonnant Vice Versa de Pablo Reinoso qui, dans un classicisme presque suranné, dessine une forme complexe où l’antique acier s’apparente presque à un câble en plastique, mélangeant les univers et les symboles dans une heureuse symétrie.
Au fond du jardin, caché dans son recoin, L’Origine du doute, le superbe arbre de Virginie Yassef (un tronc de plastique au sein duquel se cache un moteur activé sporadiquement) continue de s’ébrouer spontanément. Une sorte de retour aux sources pour cette œuvre que l’on aura croisée dans la rue lors de la biennale de Belleville 2012 et au sein même de la galerie G.P. & N. Vallois en début d’année. Enfin, c’est encore sous les arbres qu’on croisera une association de deux démarches presque diamétralement opposées qui trouvent ici, dans l’intimité de leur territoire ombragé, une étrange consonance ; d’un côté le champignon de Carsten Höller, reproduction et transformation artificielle d’un élément naturel, de l’autre le piano Gaveau rescapé d’un incendie de Jochen Dehn, trésor du patrimoine artisanal ramené, dans ce jardin, à son essence de bois fragile, sous la menace d’un élément lui-même naturel, le feu.
Une association fructueuse qui révèle la profondeur inattendue d’une présentation en plein air et qui pourrait bien faire de cette belle initiative vouée à devenir récurrente, un rendez-vous incontournable des étés à venir.
Sèvres Outdoors 2014, du 30 juin au 21 septembre 2014, tous les jours de 10h à 18h, Cité de la céramique de Sèvres, 2 Place de la Manufacture, 92310 Sèvres