Techno Nature à la galerie Zürcher
Binoculars de Leslie Thornton appose ainsi à une scène champêtre de moutons broutant sous le pylône d’un téléphérique la vision kaléidoscopique de ce même pylône. Cadrée en contreplongée, sa structure d’acier dessine le mouvement centrifuge d’une créature inquiétante. Double perspective d’une technologie qui rejouerait le mouvement animal autant qu’une technique, la vision kaléidoscopique, qui modifie le regard pour souligner le « cycle de vie » de la machine. Une proposition qui cadre tout à fait avec les peintures de Michel Huelin qui, utilisant une technique de peinture Alkyde sur dibond (noyau de polyéthylène surmonté de plaques d’aluminium), met en scène des forêts denses portant en elles la mélancolie des gravures anciennes. En écho, Dan Hays reproduit pour sa part des images en basse définition glanées sur Internet qui, hors contexte, dessinent un monde éthéré et méconnaissable.
À ce titre, le très beau Giverny témoigne de cette étrange familiarité d’un décor naturel déformé par le filtre de l’accident technologique. Si la pertinence de Paul DeMuro dans cette sélection parait moins évidente, l’artiste rejoint cependant le questionnement fondamental de l’exposition. Plus conceptuelle et se concentrant,
Plus qu’un simple rapport entre nature et technologie, c’est une réflexion sur l’art, sur la peinture et les accidents de la perception qui est en jeu dans cette Techno Nature.
malgré sa richesse plastique, sur la question d’une peinture automatisée, décidée par une application logicielle, son œuvre souffle un décalage bienvenu du rapport à l’image. À la précision virtuose de ses fonds peints se superposent des motifs naïfs comme autant d’éléments envahissants, organismes proliférant à la manière d’un écosystème sur un fond donné.
Ainsi, plus qu’un simple rapport entre nature et technologie, c’est une réflexion sur l’art, sur la peinture et les accidents de la perception autant que de la représentation qui sont en jeu dans cette Techno Nature. Technique classique, technologie et perception dialoguent dans cette exposition réussie qui parvient à dépasser la dualité pour mettre en valeur la vertu « non efficace » d’une technologie éminemment créatrice.