Claudia Triozzi — Les Laboratoires d’Aubervilliers
Les Laboratoires d’Aubervilliers ouvrent ce 12 novembre un cycle d’actions autour de deux projets de la chorégraphe et performeuse Claudia Triozzi qui, durant deux semaines, élabore un programme qui articule et réunit, avec ouverture et passion, les champs théorique et pratique de la création.
Engagée depuis 2011 dans une réflexion explicitement universitaire avec sa performance Pour une thèse vivante, chapitre 1, présentée au MAC VAL et au Louvre notamment, Claudia Triozzi a tôt fait de la dépasser pour en faire un objet hybride, mêlant recherches, spectacles et ateliers intégrant comme condition essentielle la participation du public. Pour sa résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers, c’est ainsi dans cette radicalité de l’ouverture que Triozzi se place et offre, durant trois semaines, la possibilité à chacun de faire corps avec le troisième chapitre de Pour une thèse vivante, qui poursuit huit années d’un programme qui l’aura vu se mouvoir à travers une multitude de champs. Car chez cette ancienne pensionnaire de la Villa Kujoyama, il est toujours question de mouvement, de déplacement de l’écriture qui la conduit à découvrir ainsi qu’à faire se découvrir l’écriture scénique. En réactivant des précédentes pièces du programme Pour une thèse vivante, ici Comparses (2015) et Habiter pour créer (2017) notamment, l’artiste remet en jeu des moments de création qui s’actualisent et ressuscitent des inventions qui ne se réduisent plus au rang d’ « archives ». Au contraire, ils deviennent des plans d’architecture à une expérience nouvelle qui s’accorde ici la liberté d’un lieu, d’un centre de création qui dépasse l’horizon scénique pour s’inscrire dans la ville.
Une structure légère et éphémère, à l’image de son titre, Un CCN en terre et en paille, qui piège la sédentarité institutionnelle des centres chorégraphiques nationaux pour l’ancrer dans un retournement de proposition, plus encore dans son territoire géographique. Déjà proposé en 2017 à la Ménagerie de Verre, ce projet se constitue, en plus des représentations réévaluées de ses spectacles, d’interviews menées sur place auprès de la population qui fréquente le lieu, au gré de « séminaires » de rencontre qui relient entre elles l’actualité temporelle et l’actualité conceptuelle, faisant de chaque moment de partage un « acte » de création.
La communauté s’organise ainsi à travers des moments de rencontre, de participation collective chaque mercredi à la construction de la structure, et de représentations (à noter que l’artiste rendra hommage au chorégraphe américain Andy de Groat, décédé cette année avec une reprise de Rope Dance Translations, chorégraphie réalisée en 1974).
En mettant ainsi en parallèle ses deux projets Pour une thèse vivante et Un CCN en terre et en paille, Claudia Triozzi propose aux Laboratoires d’Aubervilliers une plongée totale au sein de son exploration d’un art de la performance qui fait du public, du visiteur, l’acteur d’une recherche qui s’inscrit donc dans la contingence. En retournant ainsi le paradigme de l’idéal réflexif dans une ouverture de son champ d’étude à la rencontre, à l’inconnu, Claudia Triozzi éprouve son sujet et lui offre une perspective passionnante, actant sous nos yeux la possibilité d’un schème théorique immédiatement applicable et effectif dans son rapport à tous les autres.