Découverts à Jeune Création 2013
Avec cette nouvelle édition, Jeune Création s’affirme plus que jamais comme un événement majeur de la scène émergente française, offrant un éclectisme rafraîchissant et plus que pertinent dans le paysage de l’art contemporain. Nous y avons découvert cinq artistes à surveiller de près.
Ginger Dorigo (1989), Belgique
Cohérente et subtile, l’installation de Ginger Dorigo offre, à travers trois éléments distincts, une variation sur la dissimulation. Avec ses toiles suturées, la réappropriation par l’artiste d’images volées semble recoller des plaies sur les cadres, ouvrant à la perception précisément ce qu’elle lui masque. De la même manière, ses narrations, tout en finesse et en simplicité dessinent des fragments d’histoires rapiécées, où des morceaux de texte épars accompagnent une image qu’ils n’ont jamais rencontrée. Véritable horizon de réflexion autour des notions d’ouverture et de fermeture, ces deux pièces, tout comme la toile repliée sur elle-même, laissent entrevoir la puissance de l’occultation, réécrivant l’histoire en la confrontant à un regard qui la morcelle, la pille et la raccommode, comme on recoud les trames pour fabriquer le récit.
Julien Tardieu (1974), France
Autour du motif de la grille, Julien Tardieu confronte les matières, couleurs et formes au sein de « paysages mentaux » imprégnés de ses observations, souvenirs et comme guidés par la mise en place du tableau. Collections d’impressions dans les deux sens du terme, les œuvres de Julien Tardieu dessinent un monde où semblent se côtoyer architecture humaine et traces naturelles. Car ici tout se tient, se structure en un ensemble qui dépasse la dichotomie « figuration abstraction » pour envisager un modèle libre, porté par la réaction de la feuille face à la matière qui s’y déploie. Il faut ainsi dépasser la beauté formelle de l’œuvre pour s’approcher au plus près du tableau et percevoir les modifications, changements de teintes qui viennent modifier la nature même du support et offrir une vie insoupçonnée à ces surfaces.
Anna Tomaszewski (1989), France
Anna Tomaszewski propose un travail « in situ » d’une grande finesse qui met à profit l’espace brut du 104 et constitue une des œuvres les plus abouties du salon, précisément parce que, à sa manière, son Ensemble d’accords s’engage vers l’impossibilité d’aboutir. En déposant avec une belle pudeur les éléments de son installation irréelle, qui mêle matériaux trouvés, créations plastiques camouflées en minéraux bruts et structures forgées, Anna Tomaszewski brouille les pistes de la création plastique et la condition même de ses éléments s’en trouve bouleversée. Tournée vers la question du simulacre, l’artiste travestit ses inventions en autant de formes ambiguës, aux allures d’objets naturels pour finalement dépasser la ligne de tension entre nature et artifice, entre vie et création. En faisant ainsi parler les silences du monde, de l’espace, Anna Tomaszewski joue des vides et des pleins pour donner naissance à un dispositif émouvant et intrigant qui se fond dans la lumière et se déploie à travers ses ombres.
Sergio Verastegui (1981), Pérou
Lauréat du prix Jeune Création 2013, Sergio Verastegui dispose, à l’aide d’éléments posés au sol, la cartographie en construction d’un monde étrange et minimaliste, fait de rebuts et de rejets rapiécés. De cet obscur théâtre émerge le doute, une étrange noirceur que viennent renforcer ces mains de faïence qui oscillent entre appels à l’aide et traces d’affirmation. Une ambiguïté constitutive de cette pièce intrigante qui habite le sol du bâtiment et impose sa bizarrerie autant qu’elle dévoile ses conditions de création, laissant en marge des caissons remplis de fils et autres matériaux pauvres. On déambule ainsi entre ces stigmates de vies passées, percevant les présences obscures comme autant d’habitants de ces constructions impossibles d’un univers oublié.
Julien des Monstiers (1983), France
Essais, expérimentations, confrontation des couleurs et des surfaces, la peinture de Julien des Monstiers, au-delà de sa virtuosité et de la prouesse technique qu’elle affiche, recèle, et c’est ce qui la rend fascinante, un évident désir de « faire peinture », de découvrir ce que peut la matière lorsqu’elle est étalée, arrachée, accidentée, recouverte. La peinture se mue alors en un jeu de renvois au sein même de la toile, renvoyant les échos de la technique, de l’histoire et de la perception. Le trompe-l’œil devient ainsi un prétexte à jouer de la peinture comme on joue d’un instrument, offrant à la perception une expérience subtile, bien plus riche que ce qu’elle veut bien nous laisser croire. Ici, les pleins et les vides semblent dialoguer et s’ébrouer dans une recherche artistique passionnante, ouvrant et fermant des possibilités pour finalement dépasser l’hyperréalisme en lui adjoignant deux principes essentiels ; la respiration et la joie ou, autrement dit, la jouissance de l’existence.