
Emma Stern — Almine Rech, Paris
À la galerie Almine Rech, Emma Stern nous prend au piège de rêves de cuir et de métal revisités à l’ère cyber-organique, synthétique et artificialisée d’une société où le corps est lui-même devenu parure.
Flirtant avec le plaisir coupable et prisonnière d’un kitsch sans surmoi, cette ode frontale à l’idéal plastique d’un monde qui rêve de grands soirs instagrammables autant qu’il puise dans la normalité son nouvel idéal de l’épique, l’univers d’Emma Stern fait de la sidération sa meilleure arme.
Entre sérieux et grotesque, sa séduction ose et impose une naïveté proprement inattendue qui renverse tant les codes de la bienséance qu’elle replonge avec délice dans une transgression presque pop du fantasme délirant. Plus encore, la conjugaison entre puissance de la technique et imaginaire potache installe un déséquilibre et une fragilité qui résonnent comme un cri de détresse, l’expression fragile d’un imaginaire pris au piège de ses propres représentations.
Déclinant sa fantaisie entre visions post-apocalyptique et scènes d’une romance administrative chargées de tous ses clichés, les toiles d’Emma Stern accumulent les références et symboles de narrations propres à une culture de la consommation. Ici, la froideur plastique de la mise en scène tranche avec la fragilité d’émotions transposables. Les rapports de force, les liens de domination sautent au visage pour mieux se brouiller et faire éclater les peurs.
Comme si elles s’appropriaient les stigmates d’une culture qui les contraint, ses héroïnes font de leur réification l’outil d’une émancipation qui les voit jouir d’une liberté augmentée. Et au final, c’est bien la liberté du désir qui s’exprime dans le soin infini apporté à la représentation de ces courbes si pleines de normes qu’elles dressent un miroir auquel raccrocher nos rêves perdus, les prolongeant le temps d’un regard pour mieux en exorciser les déterminismes destructeurs. Le temps et la nécessité d’aspirer à une société de justice ont beau avoir passé nos grands sentiments à la sulfateuse, décalaminé nos errances romantiques puériles ; subsistent toujours ces images, ces sensations pleines du vide qui les produit auxquelles, dans son rapport à la chair, dans sa plastique de l’affect, Emma Stern nous renvoie toujours.
Et la culpabilité, comme le tourbillon imposé aux valeurs ici, semble se retourner pour faire preuve, au final, d’une impertinente innocence dont le doigt, érigé en notre honneur, sert de soutien à l’ensemble.
Emma Stern, Hell is Hot, Almine Rech Paris, Turenne, du 26 avril au 7 juin 2025, 64 rue de Turenne, 75003 Paris