Josèfa Ntjam — CAC La Traverse, Alfortville
Le centre d’art la Traverse d’Alfortville présente une exposition personnelle de Josèfa Ntjam qui propose une installation dont l’hermétisme apparent cache une chaleur aussi bienveillante que pleine de dureté. L’artiste, qui nous avait enchantés avec son installation Unknown Aquazone dans l’exposition Anticorps du Palais de Tokyo investit l’espace avec une installation immersive qui fait une fois de plus la part belle à l’eau comme élément poétique reliant les réalités les plus diverses.
Les sculptures mélangent les chimères (des dattiers termitières) avec des représentations plus réalistes mais non moins étonnantes de mangroves et installent une tonalité à mi-chemin entre réalisme et invention, entre idée générale et attention au particulier, qui oppose à l’immensité des espaces sous-marins à l’agrandissement monumental d’une image microscopique de spores. Une union dans la contradiction du monde cellulaire à l’immensité cosmique, de l’évidence des formes à l’infinie richesse de l’invisible qui met à l’épreuve notre appréhension même de ce qui constitue l’identité, des choses comme des êtres.
Car en traçant cette ligne verticale entre abysses et immensité spatiale, Josèfa Ntjam délimite un terrain d’action infini et jouissif, elle invente un étrange miroir qui fait dialoguer les contraires et installe une ambivalence qui plonge au cœur du doute. Des phrases inscrites au mur, vestiges de performances passées, sonnent comme des mantras intimes, exhortations personnelles qui tranchent avec la narration de l’installation. Perdant donc le visiteur dans un univers aux lois floues, elle détourne le fil du sens pour emmêler des sentiments épars comme autant d’éléments précipités au cœur d’un espace clos. Pris au piège de cet aquarium des sentiments, l’on s’interroge sur le rôle qu’on y joue, pièce rapportée dans un ensemble étranger, étant bien entendu que franchir la porte nous engage à dépasser la condition de simple témoin. Dans le tumulte des couleurs, dans l’aberration de formes comme nées de logiques contradictoires se dessine un passage obligeant le regard oblique, l’attention portée au sol pour progresser dans cet univers plus rétif qu’hostile.
Sur les cimaises, des plaques aux couleurs pastel évoquent d’autres prisonniers, artefacts humains, visages transparents de photographies passées ramenés au rang de flore de ce paysage déserté. Par touches donc, Josèfa Ntjam dispose et compile des éléments qui trouvent leur justification dans une logique contextuelle singulière.
Narration, théorie, fantastique, poésie et politique sont alors autant de points cardinaux dont le magnétisme impose une dynamique propre à l’ensemble qui, dépouillé de certaines lourdeurs (les autocitations de l’artiste en premier lieu, certains textes réduits à l’incantation fragile mais aussi les travaux en deux dimensions évoquant encore de trop près l’œuvre d’autres) promet d’imposer sa marque sur le paysage artistique.
Car, en dernier lieu, Josèfa Ntjam réinvente la gravité de l’imaginaire et en redéfinit les modalités de restitution. Une manière habile d’opérer la mutation de l’hermétisme du surnaturel en une contagion jouissive et inquiétante du « subnaturel ».