Tatiana Wolska — Drawing Lab, Paris
Tatiana Wolska pratique le dessin quotidiennement dans une forme de méditation, libérant par son geste des formes organiques. Ses dessins présentent parfois des ouvertures, suggèrent des extensions possibles, des proliférations, des entrelacs. Sa pratique sculpturale résulte de l’assemblage de matériaux récupérés dans des poubelles qu’elle associe entre eux après les avoir ajustés. Construction, restauration, réparation ainsi que force et douceur se perçoivent dans ses œuvres.
Pour cette exposition, l’artiste a composé une œuvre in situ, un environnement à partir de papiers récupérés et déchirés, certaines issues de ses aquarelles, d’autres qui lui furent confiées, associés entre eux par du scotch et des agrafes. Elle restaure ainsi une nouvelle vie à ces matériaux qui font partie de son quotidien. Son processus de création relève d’une certaine patience et d’une expérience physique durant laquelle se créer une bulle de concentration. Par ce système d’assemblage, elle préserve une tension entre force et souplesse. Par endroit, des excroissances expriment une vitalité, un souffle mystérieux. Au fur et à mesure des intuitions de l’artiste et de ses observations des spécificités architecturales du lieu, un rythme de fragments colorés lui est apparu.
Les visiteurs peuvent alors se sentir enveloppés dans un espace lumineux et envoutant. Dans ce cocon de papiers aux couleurs douces, ils sont amenés à ressentir une sensation de bien-être, un certain confort pour restaurer un calme intérieur et songer à un ailleurs. Le processus de recouvrement semble être en suspens et inspire à un potentiel développement, à un débordement, à l’image d’un phénomène naturel.
Chaque dessin restitue un moment de lâcher prise durant lequel l’artiste se crée son espace d’évasion et de rêverie. Par ses gestes répétitifs au stylo et au crayon de couleur, elle maintient la possibilité de faire émerger des formes aléatoires. L’expérience de ses travaux sur papier procure toutes sortes d’émotions et invite à imaginer une diversité d’organismes vivants. Nous pouvons ainsi songer à de possibles métamorphoses. On peut y lire des mondes à la fois infiniment petits et infiniment grands. Des ouvertures, des fentes font écho à la fois à des cavités à l’échelle de paysage et à l’intérieur de végétaux. Les formes entrelacées, organiques et sensuelles font songer à des fragments de corps, de chair de muscles, de végétaux entre floraison et fanaison… également à des processus de croissance ou à des états entre vie et mort. Certaines transmettent une certaine énergie interne. Dans d’autres, on peut voir des personnages dans des postures de recherche de protection. D’autres encore suggèrent des zooms sur des matières sur lesquels percevoir des plissements et des failles.
Des sculptures réalisées à partir de chutes de bois incarnent une présence étrange dont le mouvement semble arrêté. L’esthétique du bricolage est associée à une certaine douceur. A partir d’une branche quelque peu tordue, elle crée une possible greffe, un nouvel organisme semble naître. Plus loin, une autre sculpture ressemble à un animal échoué. Une pièce est dédiée à des archives sélectionnées suite aux échanges avec la curatrice Marianne Derrien : des textes d’écrivains, d’activistes et une œuvre graphique de Louise Bourgeois mis en relation avec les dessins de l’artiste.
Les œuvres de Tatiana Wolska font ainsi écho au processus de transformation des matières et des éléments naturels. Une certaine ambiguïté entre blessure et réparation, entre sensualité et dureté, en émane. D’où le choix du titre de l’exposition, Belladone, cette plante qui est à la fois remède et poison. Cette exposition offre ainsi un moment pour méditer et laisser son imaginaire s’ouvrir à toutes formes de vie.
Tatiana Wolska, Belladone, du 24 janvier au 20 avril 2025, Drawing Lab, 17, rue de Richelieu 75001 Paris — Entrée libre Ouvert tous les jours de 11h à 19h