Em’kal Eyongakpa — Kadist Art Foundation
Créé lors de sa résidence à la fondation Kadist, le projet negotiations chapter 1-i, Dualaland-Paris d’Em’kal Eyongakpa élabore, à travers deux installations sonores, un dialogue immersif et riche d’histoires complexes entre le Cameroun et la France.
Interpellé par les sonorités familières des vendeurs ambulants du quartier Château Rouge avec son Cameroun natal, Em’kal Eyongakpa, né en 1981, décide de retranscrire cette expérience d’étrange familiarité en réalisant une pièce sonore mêlant les ambiances sonores de ces deux points du monde distants de milliers de kilomètres, du quartier africain de Paris aux marchés de Douala.
« Em’kal Eyongakpa — negotiations — chapter 1-i, Dualaland-Paris », KADIST du 22 mai au 26 juillet 2015. En savoir plus Fuyant la rue animée pour se réfugier dans la fondation, le visiteur est ainsi d’abord accueilli par le vacarme du trafic, des cris et des conversations qui résonnent avec force au cœur de la première pièce. Une référence directe à la localisation de la fondation, sur les hauteurs de Montmartre, ancrée dans un quartier touristique à quelques encablures des quartiers populaires de Paris, traduisant cet étrange mélange bigarré de populations. Entre tourisme, immigration, découverte et échanges économiques, Em’kal Eyongakpa fait de la notion « d’étranger » la forme même de son œuvre, illustration par le son d’un univers que l’on transcrit plus traditionnellement par le visuel. Au-delà de la transposition, dans un intérieur, de l’atmosphère extérieure, l’artiste nous immerge, par le son au sein d’un paysage neutre (les murs sont comme emplis de chaux, dénués de tout symbole intelligible) que l’imaginaire doit recréer.Dans ce brouhaha pourtant, une étrange continuité semble poindre ; les échanges, oscillant entre une multitude de langues, manient des noms de produits, de devises, révélant des liens historiques faits de collaborations et d’antagonismes coloniaux. Ils soulignent également la diversité foisonnante de dialectes et la nécessité pour les « négociations » de trouver chaque fois nouvelle un point d’équilibre, un accord possible entre des acteurs qui habitent une région qui fait se côtoyer plus de 200 langues. une dynamique de la scansion
Comme en écho à l’ Africa Brass de John Coltrane, la seconde œuvre de ces negotiations répand dans sa complexité une musicalité presque méditative qui s’oppose à la cacophonie de la première pièce. Faite de bruissements aquatiques, du passage du vent dans les feuilles, ce rythme « naturel », où les paroles poétiques de chanteurs s’entremêlent aux atmosphères sonores de forêts, offre une autre facette du dialogue entre les cultures dans le temps et l’espace pour élargir définitivement ce paysage sonore d’un Cameroun complexe, contradictoire et constamment réinventé que l’artiste dessine.
Avec une économie de moyens qui donne toute sa force aux pièces sonores qu’il a réalisées, Em’kal Eyongakpa crée ainsi un voyage immobile où les distances, plastiques, semblent s’étirer puis rétrécir à mesure que l’on s’enfonce dans ces « paysages » musicaux.