Michelangelo Pistoletto au Louvre
En guise de contrepoint contemporain, trois départements du Louvre accueillent l’artiste contemporain italien Michelangelo Pistoletto dans un parcours éclaté, particulièrement réussi malgré quelques passages naïfs ou moins convaincants.
« Michelangelo Pistoletto — Année 1, le paradis sur terre », Le Louvre du 25 avril au 2 septembre 2013. En savoir plus De cet artiste emblématique de l’Arte Povera à partir de 1967, qui mit d’ailleurs sa carrière d’artiste sur pause pendant quelques temps pour devenir moniteur de ski, le Louvre choisit de montrer la partie la plus connue du travail : ses tableaux-miroirs. Point fort que d’avoir mis l’accent sur ce trait personnel ou marque de fabrique qui le rendit fameux dès les années 70. Car lorsque Pistoletto s’égare sur les traces d’un Claude Lévêque en créant des dizaines de néons où, dans toutes les langues du monde est traduit « Aimer les différences », cela ne lui rend pas grâce. Amare le differenze, love differences (2010)… Il est temps de fuir face à une forme d’excès littéral.Là où Pistoletto brille, si l’on ose, c’est dans son reflet. Dans les renvois que permettent ses miroirs au sein desquels il colle des photographies de différents personnages ou silhouettes peintes à même la plaque réfléchissante. Ici, deux femmes nues qui dansent un slow lent, (reprise réussie d’une chronophotographie de Muybridge), plus loin, trois hommes qui discutent, où l’on comprend que parmi eux se trouve Giuseppe Penone, autre artiste représentatif de l’Arte Povera. Puis, coup d’éclat avec cette femme — toujours imprimée à même la vitre — les bras en l’air tenant un appareil prenant en photo on ne sait quoi, même si l’on penche fortement pour une œuvre d’art… Mise en abîme amusante et fine du visiteur qui déambule sans nécessairement regarder les tableaux, plus occupé qu’il est à immortaliser sur sa pellicule la Joconde, la Sainte-Anne ou les Noces de Cana . Pistoletto réussit par là-même à renvoyer au public sa propre condition de regardeur. Sorte de stade du miroir de l’adulte dans un musée…
Pistoletto réussit par là-même à renvoyer au public sa propre condition de regardeur.
Il y aura plus fort encore, avec la Vénus aux chiffons (1967), statue en marbre nous présentant son dos, recouverte de vêtements défraîchis colorés qui servirent à Pistoletto comme instruments pour essuyer certains de ses travaux. Il rappelle ici de façon simple et brillante la veine de l’arte povera, mouvement qui refuse d’en être un, qui défie les lois des courants artistiques et s’inscrit en faux contre la société de consommation. Tous ces vêtements jetés mais utilisés signifie qu’il est possible de recycler, de faire de l’art avec peu et surtout avec ce qui a déjà servi, de s’interdire, donc, d’innover, absolument. A ce sujet, il faut bien l’avouer, il y a un bémol à apporter à la grâce du parcours. Celui-ci réside dans le métadiscours de l’artiste, qui, du titre de son exposition Année 1, le Paradis sur terre , peu signifiant, jusqu’aux idées pleines d’une bonté humaniste naïve, finit par lasser. Mais on retiendra surtout avoir été émerveillé et réjoui d’avoir pu voir à la fois tous ces reflets du monde, images qui impriment durablement la rétine et surtout de s’être vu soi-même regardant une œuvre, intrigant narcissisme induit par l’artiste.