Savoir faire savoir — Ensapc Ygrec
L’ENSAPC Ygrec inaugure son très bel espace au cœur des Grands Voisins avec une exposition qui, si elle est exigeante, n’en est pas moins un modèle d’ouverture, dans sa conception même.
Savoir Faire Savoir @ ENSAPC YGREC from June 17 to July 23, 2016. Learn more Organisée par l’association Orange Rouge, l’exposition a ainsi vu des artistes collaborer avec des adolescents handicapés issus de plusieurs collèges pour proposer un ensemble de projets dont on ne perçoit que l’aboutissement mais dont la réalisation cache de nombreuses histoires. Ce travail d’extériorisation, voire de socialisation du geste créateur parvient à s’effacer avec subtilité et retenue derrière le projet global et l’investissement collectif au profit de la collectivisation.Dans cet espace brut fantastique, les œuvres gardent un certain mystère et font du parcours une succession d’îlots de création. À l’image de la circularité induite par son titre, l’exposition nous plonge dans une scénographie où les voix se mélangent et se répondent par diffraction, des créations à plusieurs mains qui brouillent les pistes et nous obligent à revenir sur nos pas, voire à poursuivre même un mouvement cyclique.
Une ronde qui nous invite à pénétrer des fictions, des morceaux de réels collectés aussi bien par les adolescents pour les besoins des artistes (notamment dans les très belles œuvres de Laëtitia Badaut-Haussmann et Emmanuel Lagarrigue) ou contenues même dans la rencontre entre l’artiste et la langue intime de ceux-ci, à l’image du puzzle de briques de Rodolphe Delaunay, contenant une inscription secrète ou encore des objets figurant autant de signes du langage de Roxana Borujerdi.
Plus encore c’est la question de la ville, du monde extérieur et du regard qu’on porte sur lui qui sont sources de ces histoires qui se rencontrent plus qu’elles ne se racontent. Le réel devient un terrain de jeu et de création que les artistes s’approprient à travers le regard d’autres, tout autant qu’ils dirigent ceux des enfants qui s’y prêtent, semble-t-il, avec délectation. Et tout ici prend l’aspect d’une réflexion sur ce qu’est réellement le fait de « transmettre », de réaliser physiquement la mise en place de l’outil et de l’imaginaire pour quelqu’un d’autre, en l’occurrence ici les jeunes, pour mieux toucher celui du public.
Savoir Faire Savoir c’est enfin la mise en place concrète de la double perspective, à l’image de la vidéo présentée par Chloé Maillet et Louise Hervé, des connaissances et de leur application dans le fait, qui dépasse ainsi le monde rationnel pour toucher à l’imaginaire. Leur diaporama mélange en effet des éléments scientifiques à des dessins fantastiques qui, ainsi placés, alimentent la pensée pour inventer une autre forme de « savoir », plus ouverte et plus libre qu’il ne tient qu’à chacun de s’approprier. Un mode d’apprentissage et d’échange qui traduit finalement toute l’originalité des pièces présentées et la résonance concrète et mystérieuse de ces Une voix singulièrement plurielles.