Candice Lin — Lithium Sex Demons in the Factory
Après avoir passionné le monde à la Biennale de Venise 2022 avec son installation Xternetsa mêlant totems aux figures démoniaques hilares et tables de laboratoire surmontées de sculptures organiques, animales et minérales puisant dans l’ethnologie et la représentation fantasmée de la culture asiatique, Candice Lin présente une nouvelle exposition à New York, au Canal Projects, co-produite avec la Gwangju Biennale de 2023.
Avec Lithium Sex Demons in the Factory, Candice Lin concentre et synthétise la multitude d’axes qui orientent sa recherche générale. Elle y reconstruit autour d’un récit ethnographique l’expérience de possession de corps en la mettant en parallèle avec les enjeux de pouvoir de la société industrielle moderne en prenant pour modèle les usines de fabrication de batteries au lithium. En inventant un récit autour d’un “sex-demon” aussi effrayant que touchant, elle déjoue l’évidente aversion et la condamnation immédiate de cette créature formée de nombreuses figures mythologiques asiatiques démoniaques (et revêtant autant de sens symboliques différents) pour en explorer les ambiguïtés et les nuances qui pourraient le mener à témoigner, depuis la prison de son désir, à une émancipation possible à travers la mort. Une proximité assumée avec la pensée de Georges Bataille qui fait vibrer la part de grotesque qu’elle sublime dans son esthétique.
Comme à son habitude, elle déploie dans cette installation un trésor d’inventions visuelles et émotionnelles qui donnent corps à cette effroyable incertitude du statut des choses et des êtres, multipliant les échelles, les zones d’attention et les registres de représentation pour complexifier encore la perception de cette fiction. Ancrée dans le réel, fuyant la rationalité, documentant les croyances et s’emparant des théories de recherches ethnographique et sociologique, cette usine de démons s’inscrit dans un présent immémorial qui transcende le temps comme la géographie.
Là, dans cette fantaisie bien concrète, le jeu des formes, entre lubricité assumée et terreur du désir, illustre dans tout son paradoxe l’appartenance à soi du corps. Et l’ambivalence essentielle donc, de son identité.