Ciao Italia ! — Musée national de l’histoire de l’immigration
Avec Ciao Italia !, le musée national de l’immigration propose un parcours vivant et riche autour de l’immigration italienne en France qui revisite l’histoire de son implantation et de ses apports dans le pays.
Car du XIXème siècle aux années 1960, l’immigration italienne constitue l’essentiel de l’immigration en France. Sa proximité géographique, sa richesse culturelle et les nombreux échanges qui ont lié l’histoire de l’Italie à la France n’empêchèrent pas une certaine méfiance à l’égard de ces nouveaux Français. Une méfiance qui se traduira par la production d’images tour à tour xénophobes, paranoïaques, admiratives et idéalisées. Le musée de l’Immigration, encore une fois, aborde ces problématiques avec une rectitude qui lui fait honneur et parvient, en questionnant ces rapports à travers des données sociologiques et des objets concrets, culturels et industriels, à dresser un portrait mental de cette époque. L’exposition, très dense et habilement rythmée, présente des œuvres d’art de qualité qui offrent un contrepoint aux images d’archives, extraits vidéos, objets du quotidien et focus sur des marques mythiques de l’Italie. En cela, Ciao Italia ne manque pas d’appuyer sur la dimension profondément mutante de la fin du XIXème siècle jusqu’au milieu du XXème et sa prolifération industrielle, entraînant révolutions géographiques, culturelles et, partant, humaines.
Mais plus encore, l’exposition parvient à mêler cet épisode de l’histoire à sa traduction dans l’histoire de l’art, d’hier comme d’aujourd’hui. Elle s’ouvre ainsi sur une œuvre de Julie Polidoro, qui tisse un lien avec le monde contemporain. Sur une toile de lin, elle peint une représentation de vue satellite via Google d’une Italie qui paraît renversée, observée de la sorte aussi bien depuis l’espace que depuis l’écran d’ordinateur. Une toile immense d’Angelo Tommasi de 1896 nous dépeint ensuite la réalité de l’exil avec un quai peuplé de migrants en attente de leur propre avenir. Plus loin, Giuseppe de Nittis immortalise à son tour son pays d’adoption avec des vues d’un Paris partagé entre son folklore et ses transformations, quand Alberto Magnelli suit la voie d’une abstraction en plein essor, véritable langage d’avant-garde qui fédère des peintres d’horizons différents. En face de ces vibrants témoignages d’une époque, la relecture contemporaine du mythe italien par l’artiste égyptien Moataz Nasr marque les esprits. Monumentale et spectaculaire, son installation Vacanze Romane se compose de huit Vespas enchâssées en un octogone métaphorique, figure très présente dans l’architecture toscane. En confrontant ces deux symboles, Moataz Nasr se projette dans l’esprit de l’Italie tout en proposant une ronde poétique, une façon pour lui de faire émerger de cette spécificité historique et géographique une forme universelle, ouverte et encline à actionner l’imaginaire de tous.
Au sein du parcours, un fil rouge passionnant est entretenu par les aquarelles de Giulia Andreani. Sous ses dehors flatteurs, sa peinture cache une profondeur que l’affichage à la perpendiculaire contribue à révéler, laissant apparaître les notes issues des recherches au long cours qu’elle mène pour constituer son corpus. Fondues au sein de la multitude, ses œuvres répondent, reproduisent et ouvrent les perspectives ouvertes par l’imagerie mise en scène. Espiègle et profonde, documentaire et sentimentale, Giulia Andreani use d’une liberté qui rappelle à quel point la démarche de cette artiste continue de questionner avec pertinence notre rapport à la représentation.
Un choix particulièrement pertinent pour cette exposition qui reflète les inflexions et contradictions inhérentes à toute confrontation culturelle mais qui ne manque pas de révéler les formidables richesses communes qu’ont créées ces rencontres décisives pour forger de véritables identités, toutes aussi singulières que nourries de la pluralité.
Ciao Italia ! au musée national de l’histoire de l’immigration — Palais de la Porte Dorée, 293, avenue Daumesnil, 75012 Paris, du 28 mars au 10 septembre 2017, du mardi au vendredi de 10h à 17h30, samedi et dimanche de 10h à 19h, Entrée 6 euros.