Documenta 14 — Revue de presse, impressions en revue
Révolutionnaire, audacieuse et ouverte sur le monde, la documenta 14 de Cassel ouvre ses portes le 8 avril à Athènes soit deux mois avant son inauguration à Cassel, le 10 juin prochain. Slash propose un recueil d’impressions, d’articles et de commentaires amené à évoluer au fil des semaines pour sentir cette multitude d’événements dans sa pluralité.
Depuis sa création en 1955, la documenta est l’un des événements majeurs de l’art contemporain. Organisée tous les cinq ans à Cassel, elle maintient son statut de baromètre de la création artistique en se tournant vers les formes de son temps et consolide la notoriété de pratiques qui se voient ainsi adoubées. Née d’une volonté de réconcilier le public avec l’art moderne, considéré sous la dictature nazie comme « dégénéré », elle s’est tournée au fil des éditions vers l’art contemporain avec une ouverture toujours plus grande à l’international.
Avec l’ambition claire de bousculer « l’état actuel de la politique officielle, triste et inquiétant », Adam Szymczyk, le directeur de la manifestation a choisi d’intituler cette quatorzième édition de la documenta « Apprendre d’Athènes » en tissant un lien direct entre la Grèce et l’Allemagne, dont la position lors des négociations de la crise grecque fut l’une des plus tranchées. En organisant une délocalisation dans la ville d’Athènes, la documenta 14 a fait le choix de l’implantation au cœur d’une zone en tension pour assumer son propos. Ce parcours parallèle, dont certains éléments voyageront d’une ville à l’autre, présentera ainsi, parmi les artistes que l’on connaît bien en France, parmi lesquels Marie Cool et Fabio Balducci (dont nous vous parlions ici), Annie Vigier & Franck Apertet (les gens d’Uterpan) (dont nous vous parlions également ici) ou même Bouchra Khalili.
Quoi qu’on en pense, cet acte fort et terriblement cohérent aura déjà marqué les esprits et transformé une capitale grecque qui se voit épicentre, pour quelques semaines, de l’art contemporain international avant l’ouverture en juin prochain de la seconde partie à Cassel. Plus encore, cette proposition rappelle que l’art, quel qu’il soit, porte en lui la question du public et peut s’imposer activement, au risque de susciter incompréhension, amour, tension et espérance dans la cité. Avec une part belle faite à la performance et aux actions, la documenta 14 voyage léger et s’expose d’autant plus à la critique qu’elle s’attaque directement à la politique en investissant l’un des cœurs spirituels de l’Europe devenu son poumon malade. Victime directe de la crise économique et de la corruption, terre d’accueil d’exilés du monde entier, Athènes s’est apparentée en quelques années au symptôme d’une Europe technocratique désavouée par sa population, une capitale à plusieurs vitesses, où la parole, le débat continuent de s’exercer tandis que les mutations de la société et la distribution des richesses n’ont jamais fait autant polémique.
Face à un tel enjeu, face à une telle proposition et à une telle ouverture, il nous a semblé décisif de rendre compte des réactions qu’elle a pu susciter. Avec un directeur artistique qui encourage les journalistes à ne pas se focaliser sur les grands lieux d’exposition et à s’investir dans la ville, dans ces échanges qui constituent, en eux-mêmes, un enjeu décisif de sa manifestation, les impressions seront d’autant plus éparses et personnelles. Nous vous proposons ainsi un recueil d’impressions, d’articles et de commentaires amené à évoluer au fil des semaines pour participer, même de loin, à cet « apprentissage ».
Articles, impressions et médias
Interview de Yanis Varoufakis — Spike Art Magazine (en)
L’interview de Yanis Varoufakis, ex-ministre des Finances grec dont la voix continue de porter, qui fit polémique avant même l’ouverture de la manifestation, lui qui comparait la tenue de la documenta à Athènes comme un « safari » de riches américains ou un « tourisme de crise ».
Paul B. Preciado, L’exposition apatride — Libération
Retour sur les conditions de création de documenta 14 par le philosophe Paul B. Preciado, curateur du programme public de la manifestation
Iliana Fokianaki — Frieze (en)
Un bel article d’Iliana Fokianaki qui relate le parcours imaginé pour le « Programme public » organisé par le philosophe Paul B. Preciado avec une marche à la découverte des sites de torture actifs sous la dictature militaire qu’a subie le pays et une série d’interventions philosophiques autour de la dictature mais aussi de la question transgenre. Iliana Fokianaki revient sur le débat agité qu’a soulevé cette marche au sein des journaux grecs, accusant le philosophe de réveiller les vieux démons du pays. Une controverse qui révèle, en négatif, la vigueur du nationalisme et du conservatisme encore à l’œuvre dans le pays. Enfin, dans une partie plus critique, Fokianaki déplore la spécialisation et la focale appuyée sur les communautés marginalisées qui perdent quelque peu de vue les difficultés quotidiennes de l’ensemble même de la population, ces fameux 99% qui plient sous le poids de l’austérité d’un néo-libéralisme ravageur.
Metropolis — Arte
L’excellente émission culturelle d’Arte, Metropolis, établit un état des lieux de la vie artistique d’Athènes face à la crise et particulièrement face à l’arrivée de la documenta dans la ville avec un focus sur Daniel Knorr, artiste roumain invité de l’événement.
The Athens News Agency — Macedonian Press Agency (en)
Un rapport de la visite confjointe des des présidents grec et allemands, Prokopios Pavlopoulos et Frank-Walter Steinmeier lors de l’inauguration de la quatorzième édition de la documenta.
Clémentine Mercier — Libération
Clémentine Mercier, pour Libération, rappelle la force politique de l’événement avec un développement intéressant sur son impact sur la villeet revient notamment sur l’une des pièces (déjà) emblématiques de la Quinquennale, le remboursement symbolique de la dette grecque à une Angel Merkel factice à l’aide d’olives.
#documenta #EMST On paye la dette grecque avec des olives grecques. Performance très politique pic.twitter.com/1GoOSdehcU
— Anne Sabourin (@nnesabourin) 8 avril 2017