Constance Nouvel — Cpif, Pontault-Combault
Dernier volet d’une trilogie d’expositions engagée l’an dernier à la galerie In Situ, Réversible de Constance Nouvel, présentée au CPIF de Pontault-Combault jusqu’au 12 juillet 2020, nous plonge dans une expérience totale de l’image qui bouleverse notre à rapport à ce qui l’ordonne, le réel.
À travers les variations qu’elle rejoue d’une exposition l’autre en remettant en scène des images dans d’autres conditions, le jeu devient plus secret mais continue de faire son effet par les associations inattendues qu’il orchestre, forçant la raison à faire son chemin dans cette narration qui s’échappe du temps et de la géographie pour devenir danse entre les lignes et les couleurs. De cette succession naît une temporalité éditoriale décrétée par l’artiste qui organise les rencontres dans un almanach d’images emmêlant les souvenirs personnels, les situations quotidiennes croisées armée de son appareil, qui ne se dévoilent jamais.
La photographie nous plonge ici proprement dans cette re-présentation d’un monde que l’on apprend à découvrir à nouveaux frais. Celui de l’artiste qui le présente en liberté, débarrassé des chaines logiques de la causalité l’ayant amenée à capturer ces images. Certaines nuances elles-mêmes ne se révèlent qu’à la faveur de photographies que le spectateur est susceptible de prendre, le laissant libre de doubler l’indication dans un jeu à double fond.
L’invention d’une narration par le jeu, le jeu d’échelle, de matière, de représentation tout comme le « jeu » laissé entre les modes de reproduction, dessine en trompe-l’œil des décors qui eux, rejouent pourtant l’artificialité des décorums de toutes époques (fresques, colonnes et autres fausses structures ici seulement esquissées). Cette narration passe tout entier par l’expérience, sans mot, l’histoire muette suit des fils temporels et axes narratifs épars, que seule la conjugaison de l’image et notre présence réunissent tandis que les unités de temps, de lieu et même de sujets s’émancipent.
Démultipliant les signes pour lancer de fausses pistes, ses structures se répondent, s’emmêlent dans leurs traits communs pour inventer de nouveaux angles, toucher ce rêve d’embrasser d’un seul regard toutes les faces du carré. À la nuance près que Nouvel nous en dévoile un envers qui n’a rien de commun ; un secret possible caché derrière toute image par nature, objectivé et autonome de l’espace qu’elle couche à sa surface. Un négatif qu’elle vient paradoxalement creuser en ajoutant de la matière, ajoutant des traits à même la cimaise, inventant des volumes qui sont autant de béquilles pour le regard, de mises à distance du monde pour faire glisser définitivement le paysage vers sa nature de scène, de décor accueillant. Par le chemin du voir, l’imaginaire est déjà pris au piège dans son espace de représentation.
En installant alternativement le spectateur au cœur de l’image, hors de sa structure voire dans son processus de fabrication, Constance Nouvel, une fois encore, conscientise le regard face à la photographie et dévoile le procédé de mystification de l’illusion du réel. Elle retrace à l’aide de ces passerelles entre réel, nature et invention le tiret de la science-fiction pour faire coexister en un temps donné la science de l’image, sa reproduction perpétuelle et la somme de narrations possibles qui seules peuvent nous guider dans un voyage cohérent au sein de la complexité du monde.
Une représentation qui s’oppose ainsi à toute volonté mimétique et se concentre essentiellement sur la réinvention d’un monde. Le miroir qu’elle tend au réel en absorbe ainsi toutes les qualités pour le rendre épuisé de son mouvement, de ses potentialités et contraint à une nature si figée qu’elle en ouvre toutes les transformations possibles. Le réel devient l’agent du probable, le possible de l’irréel, du leurre, le paysage du décor et composent autant de reliquats, de « reflets mirages » de notre propre perception.