Entretien — Ulrich Lamsfuss
Entrelacs du champ photographique et pictural, l’œuvre de ce jeune peintre berlinois interroge en profondeur la notion d’originalité et de paternité d’une création. À l’occasion de son accrochage à la galerie Daniel Templon, rencontre avec Ulrich Lamsfuss dont les images peintes sur des photographies existantes taraudent et excitent durablement l’esprit. Décryptage en présence de l’artiste d’une démarche singulière entre appropriationnisme et hyperréalisme.
Léa Chauvel-Lévy : Comment choisissez-vous les images que vous retravaillez ? Quel soin portez-vous à cette sélection ?
« Ulrich Lamsfuss — Afternoons in Utopia », Galerie Templon du 9 juin au 21 juillet 2012. En savoir plus Ulrich Lamsfuss : Au début je collectionnais des magazines, et petit à petit je me suis rendu compte que j’allais vers certaines catégories, plus que vers d’autres. Je suis intéressé par l’iconographie classique, les natures mortes, le paysage, le portrait, et ce que ces catégories pourraient être aujourd’hui. J’aime les images de nourriture et tout ce qui est artificiel. J’ai découvert les « stocks » de photo comme Getty Images, cela me donne l’occasion de travailler de plus en plus de manière légale.La reproduction du visible qu’offre la photographie semble ne pas vous suffire. Que cherchez-vous dans le fait de peindre « au-dessus » d’une image existante ?
J’examine la photo. Je documente et porte attention à chaque centimètre carré. Malheureusement je suis un très mauvais photographe !
Comment est né votre travail de sampling 1 ?
J’ai toujours eu le sentiment que même mes problèmes n’étaient pas originaux. Même eux, quelqu’un les avait déjà eus avant moi. Où que j’aille, quelqu’un a déjà été avant moi.
Vous dites que vous aimez que l’on ne sache pas précisément qui est l’auteur d’une image, en quoi ce doute de l’identité du créateur vous intéresse-t-il ?
L’idée est la suivante : je suis intéressé par l’image et non par l’auteur. Je veux m’en débarrasser. Une image sans auteur cesse de faire sens à l’intérieur d’une narration. Elle devient réelle, la réalité est plus forte que la fiction, et l’on évite quelque chose de stupide et fascisant comme « l’authenticité ».
Créer des originaux, sans le recours à l’utilisation d’une photographie vous arrive, est-ce un exercice plus difficile pour vous ?
Je préfère utiliser des photographies car j’aime travailler seul dans mon atelier. Je ne veux pas être dérangé par la réalité.
Est-ce que vos tableaux portent en eux un discours sur la photographie ? Une façon de dire, la peinture ne mourra pas et de poursuivre le vieux débat qui oppose photographie et peinture ?
Dans un premier temps, non. Je m’engage surtout dans une œuvre en lui consacrant beaucoup de temps. Elle doit devenir très intense. Les artistes ne gèrent pas leurs œuvres comme des campagnes publicitaires. Il n’y a pas de stratégie et les œuvres n’ont de toute façon pas vocation à être des déclarations.
Vous définissez-vous comme un appropriationniste ?
D’une certaine manière. Mais mon intérêt principal est de créer de l’ambivalence plutôt que d’analyser la notion de paternité d’une œuvre.
On serait tenté de rattacher certaines des œuvres que vous présentez dans cette exposition au mouvement hyperréaliste, vous seriez d’accord ?
Je pense que je suis hypercritique et excessif ! C’est ainsi qu’à la fin on obtient de l’hyperréalisme…
Diriez-vous que votre travail est engagé ?
Je pense que je prends les choses au sérieux. Et je crois que c’est déjà un fort engagement…
1 Sampling : Le fait d’utiliser une œuvre existante.