Jan Fabre, Mount Olympus — La Villette
Ce 7 juillet ouvre la billetterie pour assister à la représentation de Mount Olympus de Jan Fabre à la Villette, un spectacle exceptionnel et hors-norme qui se tiendra le 15 et 16 septembre prochains.
Si l’on reconnaît sans peine la qualité et l’effervescence terrible des images nées du plasticien, Jan Fabre développe en parallèle un œuvre théâtral tout entier tourné vers le corps et la performance qui fait de chaque représentation une expérience des limites et du supportable. Une mise en abyme qui a pu enchanter par sa liberté tout autant qu’elle peut par moments échouer à porter une voix nouvelle tant la subversion affichée se perd en une exhibition caricaturale qui ne peut choquer qu’une conscience bourgeoise illusoire. Pour autant, cet enthousiasme à s’emparer des symboles, cette joie presque naïve à construire des tableaux vivants porteurs de messages lisibles et frontaux font de chaque spectacle de l’artiste flamand un festival de trouvailles et d’invention porté par des danseurs performeurs investis aux limites de leurs capacités physiques. L’expérience sensorielle et sensible se substituent alors à la réception intelligible pour faire de ces créations des « moments » du corps.
Une réalité qui trouve dans sa dernière création un aboutissement logique et une forme de synthèse extraordinaire, aussi évidente dans son excès pour cet artiste qu’invraisemblable dans sa logique. C’est ainsi un spectacle de 24h qu’a imaginé Jan Fabre et d’ores et déjà porté devant les publics d’Amsterdam, de Berlin, de Bruges et de Rome. Mount Olympus puise, comme souvent chez lui, dans la mythologie grecque le cadre de son déroulement et met en scène les épisodes de ses protagonistes dans des chorégraphies symboliques bouleversantes.
Un cycle symbolique pour rendre compte du cycle de la création, mais aussi une façon d’épouser la transcendance et la ramener en la subvertissant dans une matérialité biologique et physique. Car avec Jan Fabre, impossible de passer à côté de l’effarement, de cette éloquence qui affirme la primauté du corps, de sa chair comme des pulsions qui l’animent, d’une sexualité qui se fond dans ses mouvements, qui s’émancipe de sa condition particulière pour l’accompagner pleinement. Le corps machine est ici mis à l’épreuve, on danse, on chante comme on (se) masturbe, pénètre transpire, expire, comme on jouit on souffre face à un public lui aussi censé dépasser sa propre fatigue et accompagner ce mouvement par son attention.
Bien entendu, au long de la représentation, la salle se vide et se remplit continuellement, les spectateurs étant invités à se reposer à l’écart sur des coussins géants. Mais l’épreuve collective n’en est pas moins signifiante et un sentiment d’expérience mutuelle entre acteurs et spectateurs engagés dans un tel processus est aussi inévitable que, pour une grande majorité d’entre eux, bouleversante.
Le sensationnel initial se meut en une matière terriblement sensible pour offrir un spectacle total qui dépasse le cadre du théâtre, de la danse, de l’art et de la narration pour constituer, au final une œuvre explosive qui bouleverse les codes et s’empare de la mythologie pour s’inscrire à son tour dans une performance artistique mythique qui éprouve les organismes. Au centre de la réflexion, tout devient ici affaire de corps, de ses possibilités comme de son utilisation, de sa valeur symbolique, de ses interdits et de ses excès. Moyen et forme, matériau et objet de représentation, il devient le vecteur en acte, chaque fois qu’il « performe » la pièce, d’un imaginaire exigeant, sadique, grandiloquent et jouisseur qui continue d’engager à travers le spectacles une remise en cause salutaire des limites de la représentation.