Julien Prévieux — Prix Marcel Duchamp 2014
Lauréat du Prix Duchamp 2014, Julien Prévieux est né en 1974, diplômé de l’École supérieure d’Art de Grenoble et de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, Julien Prévieux est représenté par la galerie Jousse Entreprise (Paris) et par la galerie West (La Haye). En 2013, il a notamment exposé au Musée d’art contemporain de Bordeaux et au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.
Traversée par des problématiques sociales et identitaires, sa pratique embrasse une variété de médiums. S’y trouvent examinées, de manière souvent grinçante, jouant sur la dérision, les crises et mutations qui marquent le début du XXIème siècle. Depuis 2000, Julien Prévieux s’est fait connaître en particulier par ses drolatiques Lettres de non-motivation. L’artiste, en réponse à des annonces d’emploi parues dans la presse, décline sous des identités plurielles les raisons qui le conduisent à refuser ces propositions de poste.
Pulvérisant des clichés parmi les plus prégnants, il impose une distance tout à la fois ludique et critique face à la rhétorique managériale dont, excellant à décortiquer et manipuler les codes, il moque allègrement l’absurdité constitutive. Cette stratégie trouve un écho dans la série de dessins À la recherche du miracle économique (2006-2007). Julien Prévieux y soumet à une singulière et fantasque exégèse de grands classiques de l’économie moderne — le Capital de Karl Marx ou La Richesse des nations d’Adam Smith, par exemple — afin d’en révéler des significations cryptées. Avec Forget the Money (2011), il collecte des romans issus de la bibliothèque personnelle de Bernard Madoff. Leurs titres évocateurs (K is for Killer ou White Shark) semblent annoncer rétrospectivement l’escroquerie de l’homme d’affaire américain, révélée lors de la crise financière de 2008.
Si son travail cristallise le plus souvent des thématiques contemporaines — arcanes du néo-libéralisme, systèmes de contrôle, industries culturelles ou saturation fictionnelle de l’environnement –, Julien Prévieux, porté par un intérêt certain pour l’histoire des savoirs et des idées, s’attache aussi à des objets considérés comme désuets. Présentée au Grand Palais pour La Force de l’Art 02, La totalité des propositions vraies (avant) (2009), installation constituée d’ouvrages aux théories obsolètes, plonge le spectateur dans un univers paradoxal et uchronique. FAQ (2007), série de onze tableaux inspirés de couvertures de livres publiés au cours des années 1970, questionne quant à elle la capacité du graphisme à modéliser des interrogations sociétales, comme l’éducation ou le devenir de la psychiatrie.
Riche d’une série de tensions esthétiques et éthiques, la démarche de Julien Prévieux instaure un rapport ni tout à fait mimétique, ni tout à fait parodique avec son référent, rapport ouvert, par conséquent, à de vastes fonctionnalités symboliques. L’ensemble de ses pièces, participant d’une scénographie à portée politique, pose implicitement la question des imageries et des dispositifs que met en place l’art contemporain.