L’éloge de la main — Les Douches La Galerie
La galerie Les Douches s’attaque à un vaste sujet : la façon dont la photographie s’est intéressée à la main depuis les années 1920. De toute évidence non-exhaustive, l’exposition parvient cependant, à travers le travail de près de trente artistes, à faire honneur tout autant aux mains photographiées qu’à celles qui les photographient.
À chaque image, la main s’offre au regard d’une manière différente, que cela soit dû à l’angle adopté, à la technique, à la lumière, ou à la main elle-même. Car celle-ci semble bien avoir sa vie propre, détachée du corps de son propriétaire. À force de regarder, pas à pas et photo après photo, autant de mains fragmentées par le cadre proprement photographique, elles deviennent dans l’esprit des spectat.eurs.rices des personnages à part entière, aussi dignes d’intérêt et sources d’émotion qu’un visage. Ce phénomène étrange est tout particulièrement visible dans les clichés d’artistes proches du surréalisme, adeptes des ombres, surimpressions et mannequins, à l’image du Bras sur le Guadalquivir (1934-1935), telle une créature fantastique émergeant de l’eau, de Pierre Boucher. L’exposition atteint alors ici son ambition : présenter la main comme objet photographique par excellence.
Cette étrangeté qui se fait jour met en lumière la capacité de la photographie à dévoiler ce que les mains disent de l’être humain mais que nous ignorons nous-mêmes. La main est détentrice d’un secret que les artistes parviennent à percer mais jamais tout à fait en entier, gardant pour eux une partie de l’énigme. Il en est ainsi des mains saisies en Grèce par Sabine Weiss en 1958 : jointes derrière un dos, elles tiennent une branche de muguet, patientes et tranquilles, comme gardiennes de l’anonymat de cet individu hors-champ. Quant aux quatre portraits en couleur de Bruce Whrighton réalisés en 1987, les mains de ces personnes en marge issues de milieux populaires paraissent tout aussi expressives, voire davantage, que leurs regards. Il apparaîtra rapidement au public qu’il s’agit pour cette exposition, en fin de compte, de faire l’éloge moins de la main que de celles et ceux qui ont su voir sa part de mystère. Dans l’image de ces nombreuses mains représentées, par un effet miroir, se révèlent alors les mains créatrices de l’artiste derrière l’objectif. En réunissant ces photos d’une grande diversité, la galerie Les Douches ravive les représentations, quelque peu engourdies, de la main : un motif qui sillonne l’histoire de l’art depuis les premières empreintes préhistoriques et que nous avons, aujourd’hui, plutôt coutume de voir autour d’un smartphone.