Mimosa Echard — Palais de Tokyo
Dans le cadre de la saison artistique Réclamer la terre au Palais de Tokyo, Mimosa Echard est invitée à proposer Sporal, une exposition-installation.
Depuis 2019 et à l’occasion de sa résidence à la Villa Kujoyama (Japon), l’artiste poursuit une recherche autour de la mémoire chez les myxomycètes, autrement nommés blobs, ces organismes unicellulaires entre règne animal, végétal et celui des champignons. Ces découvertes l’ont inspirée pour la création d’un jeu vidéo.
Lors de son exposition Numbs à la galerie Chantal Crousel qui la représente, l’artiste intriguait déjà par les mélanges de matières et par les couleurs qu’elle emploie dans ses œuvres, qui semblent encore en transformation ou dans un état en suspens. Mimosa Echard est attentive et curieuse face à une nature qui lui est proche. Son travail artistique relève autant d’une exploration picturale que de l’installation immersive. Pour son solo show dans l’espace brut du centre d’art, elle s’investit généreusement et conçoit une scénographie s’inspirant de l’esthétique digitale, de la culture pop et de l’histoire du jeu vidéo.
Dans un long corridor baigné d’une lumière blanche, « antichambre de l’exposition »1, une installation, une lampe qui tombe dans un bac en plastique, introduit les interactions entre les éléments de son quotidien, perles, images et des matières de l’ordre du fluide.
Puis changement d’atmosphère avec un éclairage rosé, qui donne l’impression que nous pourrions être à l’intérieur d’un organisme, ou bien dans un rêve… Un montage audio vidéo conçu à partir de son jeu vidéo Sporal, fruit d’une rencontre et d’échanges avec Andréa Sardin, développeuse et Aodhan Madden, artiste, est diffusé sur un grand écran, patchwork composé de divers tissus. Nombreuses images, formes, matières végétales et industrielles, issues à la fois du web ou de son atelier, tissent des relations entre elles, sur ce support à l’échelle du lieu. « Avec Sporal, je voulais imaginer des fictions à partir des recherches scientifiques sur les myxomycètes, pour ainsi penser d’autres rapports possibles avec cet organisme… où le spore n’est pas simplement une étape dans la reproduction d’un organisme monocellulaire, mais un objet de désir en lui-même, un monde où un hippocampe en peluche pourrait avoir des liens de parenté avec les myxomycètes… »2 confie l’artiste à la curatrice Daria de Beauvais.
De l’autre côté, dans « un espace de latence »3, une vidéo montre des personnes en train de dormir. Nous devenons complices d’un état de surveillance, quelque peu dérangeant… L’artiste compose ainsi un univers onirique dans lequel les œuvres posent question et incarnent une impression de vie et de flux. Des coussins, aux intérieurs remplis d’éléments naturels et artificiels, s’apparentent à des formes organiques. Ils participent de l’installation et invitent à s’asseoir ou tout simplement à se reposer pour contempler le mouvement des images. Aodhan Madden et Yvan Etienne ont créé un environnement sonore qui ajoute au mystère et à l’impression d’être dans un monde hors du temps.
Dans le troisième espace baigné d’une lumière blanche qui rappelle celle de laboratoire, tel le « back office »4 de l’installation principale, des bacs en plastique accueillent des matériaux collectés et des jus de plantes. Nous songeons à des modalités de reproduction. La récolte d’artéfacts et de végétaux constitue une étape importante et quotidienne du travail de l’artiste. D’ailleurs, son atelier donnant sur un jardin, situé à Nogent-sur-Marne, l’amène à prolonger son attention à la biodiversité, aux espèces animales et végétales qui cohabitent ensemble. Sa grande peinture d’un rose couleur chair incite à s’en approcher pour déceler l’imbrication de textures qui se seraient déposées au fil du temps. De près, nous percevons une image de très petit format, fondatrice de sa vidéo.
Ainsi, les recherches de Mimosa Echard se découvrent par indices successifs. Chacune de ses installations relève d’un temps plus ou moins long d’assemblage, de maturation, d’association. Ses œuvres laissent émerger un sentiment ambigu entre attirance et répulsion. Elles expriment une certaine symbiose et semblent contenir des formes de vie, en transformation.
Cette exposition nous rappelle combien notre société est de plus en plus marquée par les nouvelles technologies. Elle nous incite également à nous reconnecter avec le vivant, celui qu’on ne voit pas à l’œil nu ou qui nécessite une mise en lumière particulière.
Exposition Mimosa Echard, Palais de Tokyo, du 15 avril au 04 septembre 2022.
1 Propos recueillis lors d’un entretien avec Daria de Beauvais le 4 juillet 2022.
2 Pip Wallis, Mimosa Echard, Daria de Beauvais, Sporal, Co-édition Palais de Tokyo, Les Presses du Réel, Paris, 2022, p. 90.
3 Propos recueillis lors d’un entretien avec Daria de Beauvais le 4 juillet 2022.
4 Ibid.