Ouverture du Art & Design Atomium Museum à Bruxelles
En effet, il s’agit avant tout d’une volonté politique de créer un espace de partage autour de la collection privée du passionné Philippe Decelle, qui trouve en 1980 une chaise iconique de Joe Colombo dans les rues de Uccle, commune huppée de Bruxelles, et décide dès lors de constituer une collection d’objets en plastique. Ainsi, les deux milles pièces qui constituent la collection, nommée Plasticarium, furent acquises par le ADAM afin d’être exposées et prises en charge par des scientifiques qui, avec une belle dynamique, ont pris bien soin de cet héritage, patrimoine bruxellois incontesté. Inscrire cette collection au sein d’un système muséal a permis de donner un statut singulier à chaque pièce ou chaque groupe d’objets, mais aussi de laisser intacte et complète cette collection bruxelloise, à l’heure où certains collectionneurs dispersent leurs collections. De plus, le ADAM souhaite aller au-delà de la visée de conservation du musée, en faisant la part belle aux ateliers pédagogiques et aux cycles de conférence, qui cherchent à éclairer et approfondir les points de vue abordés dans les expositions. Il convoque ainsi des partis-pris résolument ambitieux, afin de pouvoir accueillir tous types de visiteurs.
« Dynamiser le réveil touristique du plus belge des monuments de Bruxelles : l’Atomium », n’est pas le seul objectif d’Henri Simons, directeur de l’Atomium, à l’initiative du projet. En effet, le ADAM fait face à ce grand monument du nord de Bruxelles datant de l’Exposition universelle de 1958, dans un quartier presque dénué de toute habitation, nommé le Plateau de Heysel, théâtre des expositions universelles de 1935 et 1958. Cet immense espace où trône l’Atomium continue à accueillir la modernité. Pour se démarquer, les frères Lhoas firent un travail de paysagistes, en prélude à l’escalier aux couleurs de la Belgique imaginé par Jean Nouvel. Le Art & Design Atomium Museum se déploie sur 5000m2 au sein du Trade Mart Brussels, bâtiment déjà existant, à l’écriture architecturale sobre. Au bureau Lhoas & Lhoas Architectes, le parti-pris fut d’organiser les fonctions du bâtiment avec l’existant, tout en repensant et en réorganisant la collection. Les objectifs sont atteints avec brio et humilité, offrant ainsi aux objets un espace frais et dégagé. Le plafond à caissons en béton est laissé tel quel, afin de laisser les couleurs des pièces s’exprimer. Vitra et Delta Light ont collaboré respectivement au mobilier et à la scénographie lumineuse, participant ainsi à ce projet muséal qui adopte une véritable dimension globale et captivante, rayonnant aussi dans l’architecture. L’espace dont il bénéficie est constitué de trois surfaces principales, la salle d’exposition permanente au centre des deux salles d’expositions temporaires. Il semble important de remarquer que les réserves sont laissées à la vue du spectateur, les pièces non encore exposées sont visibles ostensiblement à travers de larges vitres translucides, éclairées grâce à un dispositif spécial permettant à leur matière de ne pas s’altérer.
Les objets ainsi révélés attirent notre regard par leurs teintes assumées et attisent une curiosité tactile. Au-delà de leurs qualités intrinsèques, ils sont mis en scène avec une pertinence qui nourrit le visiteur et lui octroie un espace physique et mental singuliers afin de déambuler librement au cœur d’un parcours qu’il peut construire lui-même, à travers sept thèmes organisés pour l’exposition permanente. Aux désormais célèbres Universale de Joe Colombo, Louis Ghost et Marie de Philippe Starck éditées par Kartell viennent s’ajouter des pièces incontournables pour saisir une partie de l’histoire du design. Certains objets sont des prototypes ou sont inédits ; par conséquent, la question de l’élévation de certaines pièces au rang d’œuvre d’art est centrale.
Si l’activité de collection de Philippe Decelle est essentielle au ADAM, l’élaboration du projet ne va pas sans le travail de l’équipe qui réalisa le musée, c’est-à-dire la collaboration de spécialistes riches d’expériences diverses et complémentaires. C’est cet agencement, auquel s’ajoute le fertile programme de conférences et d’expositions temporaires, qui donne au ADAM son caractère unique. La consultance artistique et scientifique de l’exposition permanente est réalisée par Alexandra Midal et Thierry Belenger, respectivement théoricienne du design et spécialiste du design. Au sein du catalogue de la collection cette première s’interroge sur l’acte d’exposer du design et pose la question suivante : « une fois exposé et son usage neutralisé, le design est-il transformé en œuvre d’art ? ». Anne Bony, historienne de l’art et auteur d’une série d’ouvrages sur la création au XXe siècle, retrace quant à elle avec passion l’histoire de l’usage du plastique, technique associée au progrès et à la modernité. Dans la brochure accompagnant la visite, des détails sont aussi offerts au visiteur sur les propriétés techniques du plastique. La précision et l’exigence scientifique proposées par le musée permettent de s’immerger dans une expérience vivante, rythmée par les couleurs crues et les formes parfois excentriques des pièces. Le directeur des expositions du ADAM, Arnaud Bozzini, historien de formation, était auparavant chargé de réaliser les expositions à l’Atomium. Ses connaissances de l’environnement bruxellois et de la collection privée de Philippe Decelle viennent enrichir ce projet muséal qui se veut global.
C’est l’énergie créatrice qu’il véhicule, généreuse et bienveillante, tant dédiée aux expositions qu’au public, qui fait du ADAM un espace d’échange moderne unique qui, au-delà de l’originalité de la présentation d’objets en plastique colorés, tend à s’imposer comme un centre d’art de premier plan.