Biennale des photographes du monde arabe contemporain
Pour cette première édition d’une biennale dédiée à la photographie dans le monde arabe contemporain, l’Institut du monde arabe et la maison européenne de la photographie s’associent pour livrer un parcours de qualité qui rappelle la supériorité de la découverte sur le sensationnel. Après les émancipations successives de colonisations, le début du XXIe siècle est profondément marqué par la succession de soulèvements populaires à l’encontre de pouvoirs autoritaires. Résistances et espoirs, avancées pour la liberté et reculs dramatiques des droits, le monde arabe oscille, comme toutes les régions du globe, entre une infinité de paradoxes.
Evénement : « Première Biennale des photographes du monde arabe contemporain » du 11 novembre 2015 au 17 janvier 2016. En savoir plus En prenant le parti de prioriser la démarche artistique, cette première biennale évite l’écueil du coup médiatique ancré dans l’actualité. Car ce qui frappe, c’est la manière dont chaque artiste parvient, en développant un propos singulier, à croiser les diverses problématiques qui agitent notre monde en général et le monde arabe en particulier. L’identité, réelle ou fantasmée devient ainsi un enjeu pour des artistes qui questionnent leur contexte avant leur seule société (Leila Alaoui à la Mep, Malik Nejmi, Hicham Gardaf, Wafaa Samir ou Nabil Boutros à l’Institut du monde arabe). La photographie n’est pas ici un rapport censé rendre objectivement compte et donner une vision univoque de la création arabe, elle est ici une preuve, la pièce à conviction d’une pluralité de regards qui émergent dans cette partie du monde, mais aussi d’une pluralité de regards portés sur lui.Un point de vue que souligne également la participation à cette biennale d’artistes occidentaux qui l’intègrent dans une grande part de leur travail, à l’image des expositions de la MEP, qui ouvre ses portes au reportage de Massimo Berruti à Gaza ou la série de Stéphane Couturier sur un quartier de Bab-El-Oued. C’est donc face à un art qui utilise les mêmes codes de la représentation et use lui-même de l’ambiguïté pour produire un discours complexe que l’on se trouve confronté, un art qui explore toutes ses identités et parvient à les mettre en scène pour mieux les réfléchir.
Point névralgique de la biennale, l’exposition « histoire(s) contemporaine(s) » marque dès son titre la mutation profonde que vivent certaines régions du monde arabe. Chaque acte fait désormais histoire et s’inscrit dans un contexte qui démultiplie sa portée. Mais ici encore, à rebours des attendus, le parcours démarre sur une grande partie consacrée aux paysages arabes et de très belles images de Mehdi Medacci, Yazan Khalili et Myriam Abelaziz. Mais ici, le contexte et les drames sociaux glissent toujours en sourdine une profondeur inouïe. Des paysages qui font écho aux très belles œuvres présentées à la galerie Binôme avec Mustapha Azeroual et Caroline Tabet. Après une très riche partie plus explicitement tournée vers les intérieurs et modes de vie arabes, la dernière partie, sobrement intitulée « Printemps », s’attaque plus explicitement au regard des artistes sur l’évolution politique et les difficultés concrètes de leur pays avec notamment les interventions de Tanya Habjouqa, Diana Matar et l’installation monumentale de Samuel Gratacap, consacrée au camp d’enfermement de Zaouia, à quelques kilomètres de Tripoli.
Avec une quarantaine d’artistes représentés, cette première biennale témoigne d’une ouverture inédite sur cette région dont l’histoire, les symboles et la richesse continuent d’irriguer le regard des créateurs. À travers ses thématiques pertinentes, la biennale s’attaque aux mythes et montre un monde arabe qui s’émancipe des visées « exotisantes » d’un Occident qui n’a cessé d’imposer son regard et sa présence. Face à cette histoire chargée, tous les artistes invités parviennent à créer une unité sans homogénéité.