Hervé Télémaque — Centre Georges Pompidou
Le centre Pompidou accueille une exposition en forme d’hommage salutaire à Hervé Télémaque, figure de la peinture en France. Avec plus de 70 œuvres, le parcours revient sur la carrière de cet artiste majeur qui, influencé à ses débuts par l’expressionnisme abstrait new-yorkais des années 50, semble tisser un lien entre les siècles, bombardant via son imaginaire des morceaux colorés de subversion et de critique politique.
« Hervé Télémaque », Centre Georges Pompidou du 25 février au 18 mai 2015. En savoir plus Dès ses débuts parisiens, l’artiste mélange les genres et fait intervenir aux côtés de ses toiles des sculptures oscillant entre ready-mades et « combines » de Rauschenberg. Surréalisme, collage, ligne claire, installation, pop art, les techniques et formes se bousculent au cœur de l’art de Télémaque, intégrant à sa manière les stigmates de son temps dans une peinture. Un temps dans lequel il s’inscrit ; c’est ainsi aux côtés de Bernard Rancillac qu’il organisera au musée d’art moderne de la ville de Paris, en 1964, l’exposition Mythologies quotidiennes, une réponse toute parisienne à l’essor du pop art. Les collages, au sens littéral et métaphorique, de cet Haïtien exilé qui se verra naturalisé français en 1985 vont bien vite séduire le monde. Entre l’évidence brute et l’espièglerie, ses titres d’œuvres (Le Temps passe, Vaches maigres…, Paillasson, Un clou ayant de la répartie) témoignent largement d’un imaginaire à contre-courant, prolixe et généreux.Dès ses premières pièces et notamment un très beau Le poète rêve sa mort n.2, dont la perforation quadrillée semble déjà tracer des lignes de fuite au sein de la toile, Télémaque questionne son médium. Tant et si bien, comme le rappelle l’exposition, qu’il suspendra son activité de peintre pour se consacrer la fabrication d’objets. Un détour qui l’encouragera à repenser sa pratique pour proposer par la suite des toiles plus denses, n’hésitant pas à mêler aux formes contondantes (la lame et autres angles aigus sont en effet un motif récurrent de son œuvre) des couleurs toujours plus vives, une plasticité vibrante, témoin de son inscription dans le basculement acrylique de la seconde moitié du XXe siècle. Cette attention à l’objet quotidien, au normal participe à la construction d’un œuvre ancré dans le partage, dépouillé de tout procédé magique pour s’ancrer au plus près du monde. Avec ses « collages », Hervé Télémaque va se plonger dans une création aux allures d’architecture imaginaire, incluant au tableau final le dessin préparatoire, offrant une série où les niveaux de lecture se croisent, libérant la réussite esthétique de ces habitations devenues motifs. Les selles deviennent montagnes et « l’habitation misérable », ainsi peinte, cache une beauté évidente. C’est que derrière la flatterie visuelle, la colère de l’artiste gronde et ces collections de rebuts d’ateliers font écho à des assemblages de pièces de bois, symbole de la mémoire des Caraïbes et de l’esclavage qui y a régné. En se confrontant par la suite à la pratique picturale en elle-même, Hervé Télémaque donne sa dernière impulsion à un œuvre qui s’émancipe et retrouve le geste fondamental du dessin, où ses jeux d’ombre et de lumière développent un genre à part entière, où le cubisme réactivé épouse une souplesse de lignes superbe.
Fils de son époque, Hervé Télémaque se sera inspiré autant de ses rencontres, de l’air du temps et de sa propre histoire pour développer un œuvre toujours en mouvement et indiciblement novateur. Une variété dans la continuité que reflète parfaitement ce parcours chronologique qui met l’accent sur des moments phares de la vie de ce peintre qui n’a de cesse, aujourd’hui encore, d’évoluer.