Jean-Pierre Pincemin — Galerie Catherine Putman
Si elle est terriblement sensible et intimement liée à la dynamique du geste, la peinture de Pincemin, dans sa définition même, engage l’histoire totale de son médium. La galerie Catherine Putman présente un ensemble saisissant d’œuvres de l’artiste qui met en lumière son rapport à la gravure et, partant, à la physique intense du trait.
« Jean-Pierre Pincemin — Je puis dire que j’ai appris à peindre en faisant de la gravure (...) », Galerie Catherine Putman du 19 novembre 2022 au 7 janvier 2023. En savoir plus Confondant avec bonheur la tentation primale et primitive de rendre sur un support un reflet de sa vie à la manière des peintures rupestres et la complexité toujours croissantes des techniques de représentation, le geste de Pincemin fait vivre sur les cimaises ce trait d’union qui nous renseigne sur ce désir humain de « faire forme ». Difficile de ne pas percevoir alors dans chaque trait, chaque point de ses œuvres une tentative toujours renouvelée de se laisser surprendre par sa propre action. Le spectateur n’est pas seul et chaque œuvre de Pincemin se donne au public comme elle émerge au peintre, rappelant la valeur essentielle et première de partage, de mise en commun du terme même d’exposition. L’image, échappée de son objet premier (tangible ou imaginaire) devient alors transportable, sensible par d’autres.C’est ce mouvement premier que met ainsi en avant la présentation à la galerie Catherine Putman, soulignant en exergue la belle épiphanie de Pincemin, voyant dans la gravure le double exact des peintures ancestrales par empreintes de fossiles chargés d’une réserve transférant leur silhouette sur une surface tiers. Liée à sa rencontre avec le galeriste Jacques Putman à la fin des années 1970, sa pratique de la gravure va donc définitivement marquer son œuvre. On le voit ainsi expérimenter, modifier et jouer avec les lignes, les intensités, les aléas et les erreurs mêmes de la marque, retouchant ou mettant au contraire à jour le manque, l’absence, pour mieux souligner la matérialité initiale de l’image représentée.
Les chimères côtoient les symboles, les formes géomtriques sont submergées d’excroissances orgnaiques qui les érigent en totems fragiles, travaillés par une vie qui pourrait bien bouleverser au plus vite un ordre instable. À l’image de et en écho à sa frêle esquisse de navire voguant sur un océan comme soutenu par les monstres qui l’habitent, l’eau, très présente dans cet ensemble, devient le terrain de jeu de la pointe du peintre qui y fait valser les lignes de manière aléatoire, gravant dans le temps un mouvement dont l’accentuation ne cache pas la fragilité. Autant de jeux sur l’équilibre qui cachent, parmi les œuvres exposées, des trésors de composition et de structures rendus plus émouvants encore par la présence de dessins plus modestes qui instillent, comme souvent dans les accrochages réussis de la galerie, un rythme saisissant qui contribue à la vibrante sensation d’une couleur presque palpable tant elle respire.
Alors, c’est l’abstraction, le motif imaginaire qui se charge à son tour d’une intrigante matérialité et parvient, dans la gravure, à organiser ce miracle de la création ; donner à voir le corps sensible du concept, saisir à la surface de la toile, de la feuille ou du bois, la chair de l’idée.