Nicolai Howalt & Esben Klemann — Galerie Maria Lund
Né de l’envie commune d’établir un dialogue physique entre leurs œuvres, la galerie Maria Lund offre au photographe Nicolai Howalt et au plasticien Esben Klemann l’espace pour faire matière.
« Esben Klemann — Nicolai Howalt — de travers », Galerie Maria Lund du 7 novembre 2017 au 13 janvier 2018. En savoir plus Les deux Danois s’entretiennent sur les deux niveaux dont dispose la galerie avec une suite d’œuvres qui conjuguent photographies et sculptures. Nicolai Howalt explore le médium photographique et décortique avec une rigueur scientifique sa matière chimique, comme en témoigne l’installation Elements. Alchimiste des images, il s’empare de concepts ou d’histoires pour élaborer un discours subtil sur la perception. Esben Klemann propose une somme de recherches sur les tensions inhérentes à la céramique : une collection de petites pièces grillagées qu’on imagine extraites d’un mobilier urbain. Plus monumentale mais néanmoins dissimulée, la sculpture in situ qu’il développe à l’étage dans les hauteurs du plafond de la galerie se joue de l’espace avec lequel elle semble fusionner.C’est en foulant les escaliers qui descendent à l’étage inférieur que l’échange entrepris par les deux artistes se met à l’œuvre. Dans l’espace cryptique, la lumière radiante de l’œuvre Light Break in CMYK de Nicolai Howalt diffuse une énergie méditative. Composée de quatre plaques de verre imprimées et superposées à la verticale, l’assemblage des couleurs CMJN dessine une forme circulaire qui évoque — à juste titre — un soleil diffus. Si l’aura qui se dégage de l’œuvre porte le propos de l’artiste, la technique d’impression utilisée (l’impression UV) accompagne également son récit ingénieusement communiqué. Cette pièce photographique d’apparence abstraite fait partie d’un corpus d’œuvres, Light Break — Photography/Light Therapy, qui oscille entre photographie documentaire et arts visuels. Né de recherches sur le médecin danois Niels Ryberg Finsen (1860-1904), Nicolai Howalt développe depuis plusieurs années un ensemble qui se déploie sous la forme d’archive et de créations photographiques. L’artiste s’est plus particulièrement intéressé à la méthode scientifique mise en place par Finsen pour soigner des patients atteints de maladie de la peau, notamment la tuberculose cutanée. Grâce un système de filtrage des rayons du soleil par des lentilles qui isolent les ultraviolets et les infrarouges, le médecin a permis la guérison spectaculaire de certains de ses patients. Ce projet compile des images de patients réalisées par Finsen lui-même, des prises de vue de son équipement médical et des photographies originales de l’artiste qui utilisent le procédé curatif du médecin.
À la manière de Finsen, Nicolai Howalt parvient à fixer — grâce à divers procédés d’impression qui utilisent la lumière — une chimie de l’invisible. Tel un iconographe, il tend vers une non-figuration substantielle à laquelle l’icône orthodoxe s’adonne également en renversant la perspective de ses compositions. Installée contre le mur du fond de la galerie, la frontalité de l’œuvre donne à l’espace souterrain une allure de nef miniature et sa disposition un air d’autel contemporain et syncrétique. Cependant, dans le même théâtre d’action, l’œuvre invasive d’Esben Klemann vient profaner le rayonnement de l’aura lumineuse et curative entreprise par Howalt. Sa sculpture in situ vient bloquer l’accès — physique et mental — à l’œuvre Light Break in CMYK. Bien que la couleur terre de la barrière de plâtre de Klemann résonne avec l’œuvre de Howalt, elle empiète sur son espace de lecture. Cette mise en scène permet néanmoins au visiteur un jeu physique (passer sous cette colonne qui semble fragile) qui rythme l’appréhension des œuvres proposées ici-bas.
Le titre de l’exposition devient alors évocateur : notre perception de l’espace se voit changée et le dialogue entre les œuvres commence à opérer dans une tension qui évoque le défi.