Pierre Ardouvin — Maison des Arts de Malakoff
La Maison des Arts de Malakoff accueille Pierre Ardouvin pour une exposition sous forme d’installation totale. Au cœur du bâtiment, l’artiste imagine un parcours dans lequel la neige tient une place prépondérante. Telle une seconde peau, elle vient recouvrir cet intérieur peuplé de canapés, tables et tableaux et le transforme en un parcours inhospitalier.
« Pierre Ardouvin — Retour dans la neige », La maison des arts, centre d'art contemporain de Malakoff du 7 février au 3 mai 2015. En savoir plus Ce Retour sous la neige s’apparente à l’histoire banale et terrible d’une maison dont on aurait laissé les fenêtres ouvertes ; ravagée de l’intérieur, la nature y a repris ses droits. Avec humour, fantaisie et une sacrée dose d’invention, les associations minimales de Pierre Ardouvin synthétisent, depuis plus de vingt ans, le monde et ses promesses de bonheur en un ensemble d’allégories qui l’altèrent, et dessinent chaque fois la porte de sortie vers un univers alternatif où raison, joie et inquiétude forment les trois piliers de son ciel ; l’imaginaire, dans toute sa complexité.Bonhomme de neige sur gazon sec, portail ouvert posé au milieu du jardin, l’artiste nous accueille, à sa manière, dans sa logique déroutante. Reprenant à son compte une nouvelle de Robert Walser, « Retour dans la neige », qui voit son narrateur faire le récit de son retour en terre natale, un retour qui pourrait tout aussi bien s’apparenter à la fin, sans aigreur ni regret, d’une vie. La poésie douce-amère de cette œuvre énigmatique se reflète étrangement dans cette exposition qui déjoue tous les sens ; perception des formes et signification des titres fonctionnent ainsi à la manière d’un rébus abstrait n’obéissant qu’à une seule règle, la leur propre. Les objets étranges se multiplient ainsi au cours de la déambulation à travers les sentiers dessinés dans cette maison abandonnée. En témoignent ce gant gisant à demi, prisonnier de la glace, dans une assiette et ces squelette, figurine, poupée, pierre précieuse pris au piège du gel. Ces Frozen Memories (souvenirs gelés) semblent autant d’indices d’une narration que l’on ne percera pas ; l’intérêt est ailleurs. Pas question d’orienter l’imaginaire du visiteur, la narration n’a ici pas besoin de fiction, elle est déjà en acte.
En écho, la série de papillons exposés sous cadre et surmontant des images photographiques probablement tirées de magazines semble jouer à son tour de l’emprisonnement. Et c’est au tour du visiteur de se questionner sur sa propre liberté de mouvement, intégré à son insu au sein d’un dispositif fermé, où tout ce mobilier familier lui apparaît soudain soustrait, obligé de se faire spectateur d’une banalité devenue menaçante. Une narration en acte disait-on, qui fait du visiteur l’auteur de sa propre incompréhension.
Fragments de narrations rêvées, les pièces de Pierre Ardouvin déploient ici encore leur bizarre résonance avec notre culture, notre imaginaire, utilisés par l’artiste comme une brèche dans laquelle aller porter le coup de scalpel à nos sentiments. Mélancolie, nostalgie, inquiétude et bonheur, se poursuivent et se combattent, emmêlant la claustrophobie au charme délicat du minuscule et imposant une bascule de la sensation qui fait de chacune de ses créations une tumeur affective qui s’instille en nous, pour finalement se faire agent actif.