Raphaël Denis — Galerie Sator
A l’occasion de sa deuxième exposition personnelle à la galerie Sator, Raphaël Denis revisite l’humanisme allemand d’Albrecht Dürer et le transpose d’une manière sensible et post-moderne par la matière.
« Raphaël Denis — Œuvres d’Anderlecht », Galerie Sator du 18 octobre au 30 novembre 2013. En savoir plus A l’origine de la récente production de Raphaël Denis, Oeuvres d’Anderlecht, une gravure sur cuivre : La Melencolia de Dürer (1514) dont l’étymologie, bile noire, est à elle seule source d’intérêt. Erwin Panofsky, spécialiste du graveur, peintre et mathématicien pointera du doigt le renouveau symbolique de l’idée de mélancolie sous son burin. Par melencolia, il ne s’agit plus seulement de création mais également d’impuissance face à elle.Féconde, abondante en symboles, cette gravure confisque le regard jusqu’à l’épuisement. Il n’y a pas de limites herméneutiques à cette œuvre qui depuis le XVIème reste sujette à interprétations. Plutôt que de s’y perdre, Raphaël Denis en a extrait un détail obsédant logé dans la partie gauche de la gravure, fameux polyèdre qui contient à lui seul le paradoxe du contexte historique dans lequel évolue Dürer. Il est géométrique, certes, mais par sa minéralité, il induit le savoir qui échappe au maître. Expression de l’anti-nature et rupture douce mais fondamentale avec la tradition médiévale qui précède Dürer.
En sondant ce polyèdre qui ne se présentait jusqu’ici qu’en deux dimensions, l’artiste présenté à la galerie Sator a trouvé remède à son obsession en la faisant vivre. Lui donnant un corps, une forme, un début de présence contemporaine. Elle qui unit science et art, mêle mesures et surfaces. Et renvoie directement à la faculté de l’imagination créatrice. Raphaël Denis a ainsi recomposé et sculpté ce polyèdre, moulé en plâtre et teint dans la masse. D’abord de façon pleine, puis creuse, évidée pour gagner un registre de contrastes de formes et de matières puissant. Cherchant dans les arêtes à laisser paraître rugosité et onctuosité dans une rupture qui a pour modèle le souffle irrégulier de la vie. De ce vide, cette béance contenue, née de la déconstruction de la masse, Raphaël Denis a veillé à en laisser des stigmates. Les traces de sa réflexion se retrouvent ainsi sur le sol, débris épars, accumulés comme garants des étapes qui l’auront guidé jusqu’au point final (Eléments pour un ensemble, 2013).
Transposée sur le papier, la forme projetée, parfaite (dans son sens premier) sonne comme une volonté de s’approprier le polyèdre de Dürer et d’y apposer son empreinte toute personnelle. L’exploration est convaincante, elle éveille à la fois curiosité sensible et intellectuelle. Une belle réussite.