Sophie Ristelhueber — Galerie Catherine Putman
Les Orphelins, une nouvelle série d’images de l’artiste française, est exposée aux côtés d’œuvres plus anciennes, dévoilant une nouvelle facette des recherches sur le territoire et l’histoire qui animent, depuis maintenant plus de vingt ans, le travail de cette grande figure de la photographie contemporaine.
« Sophie Ristelhueber — Les Orphelins », Galerie Catherine Putman du 23 mars au 11 mai 2019. En savoir plus Sophie Ristelhueber, née en 1949, saisit les paysages et l’architecture comme on étudie l’anatomie humaine. Ici, deux interrupteurs dans l’angle d’un mur usé qu’on aurait coupés au scalpel. Là, des tuyauteries qui s’entremêlent dans l’angle d’une pièce comme des vaisseaux sanguins, faisant écho aux cartographies où courent des étroits chemins roses, rouges et bruns. Plus loin, une plaie ovale dans un mur décrépi qui laisse entrevoir un tissu telle une peau blessée, en guérison.Dans ces images où l’humain est absent, tout porte à croire qu’un lieu est plus visible lorsqu’il est abîmé, en ruine, à la façon d’un corps qui se donne à voir dès lors qu’il dysfonctionne. Ristelhueber oriente son regard et sa pratique, telle une archéologue, vers les craquelures, les marges, les sutures fragiles, comme autant d’indices d’une réparation à envisager ou bien de souvenirs à retrouver et à recomposer. Dans quelles régions ont été prises ces images ? Quels sont ces lieux orphelins autopsiés sous nos yeux ? À quelle mémoire appartiennent-ils ? Bien que Ristelhueber ait l’habitude d’arpenter les régions du monde en conflit (Liban, Koweït, Arménie, Irak…), souvent dans ses expositions, les cartels sont absents, décevant notre avidité de noms, de lieux et de dates censée nourrir notre besoin de nous situer dans un espace-temps précis. Quand il y a des mots, il n’y a pas de formes, comme ces cartes où seuls flottent les noms des pays sans leurs frontières. Dans ses œuvres, quelque chose manque, toujours, quelque chose qui a été là mais qui ne se donne à voir que dans ses traces. Car pour Ristelhueber ce qui importe ce n’est pas d’illustrer, à la façon d’un reporter, mais de dire.
Les chemins sinueux et sans repères que fait emprunter l’exposition aux spectateurs — les faisant devenir un moment orphelins — ressemblent à ceux d’un retour à l’enfance, quand elle est obscure et sans horizon mais préserve l’espoir d’une éclaircie.