Van Dongen — Fauve, anarchiste et mondain
Anarchiste et mondain. Un titre implicitement contradictoire qui parvient pourtant à réconcilier Van Dongen à lui-même. En effet, l’imposante monographie du musée d’Art moderne sonne comme une sortie de purgatoire du peintre, un rachat de l’homme qui a été mal jugé. Le sympathisant des milieux anarchistes, accusé d’être devenu mondain et portraitiste arriviste des Années folles, a eu pendant de longues décennies bien mauvaise presse. Le défaut de documentation, les études tardives ainsi que l’absence de catalogue raisonné ont de surcroît durablement discrédité l’artiste batave. Que justice lui soit rendue à travers cette réhabilitation pensée clairement comme un point d’orgue et un répit dans cette historiographie vacillante et encore ouverte. S’arrêtant en 1931, le parcours affiche un souffle dense, passant volontairement sous silence ses œuvres de commande pour s’attarder sur les formes qui ont permis une réinvention magistrale du fauvisme.
Van Dongen ne crée rien à proprement parler mais étire l’acte fondateur de Matisse et de Derain en y intégrant sa fièvre urbaine, tant décriée. Il préfère au fauvisme villageois des modèles plus fardés, plus outrageusement apprêtés. Il suffit de comparer
Ce goût de l’excès, cette liberté de mœurs proclamée, sont déjà en soi un manifeste.
L’originalité de son fauvisme, d’une liberté fière, quasi-politique n’est pas née ex-nihilo, mais bien d’un monde doré que l’histoire des formes lui aurait reproché d’avoir boudé. Et si son coup de pinceau dresse un pont avec les expressionnistes, c’est précisément dans cette caricature du trait qu’il puise son origine. Les fourrures et les parquets cirés ne suffisent à faire de Van Dongen le parvenu incompris auquel on a voulu l’identifier. En définitive, ce mondain n’a jamais cessé d’être anarchiste.