
L’empreinte de la nature — Galerie Loevenbruck
Quelle empreinte la nature laisse-t-elle sur nous et quelles empreintes laissons-nous sur la nature ? Telles sont les questions soulevées à travers l’exposition L’empreinte de la nature à la galerie Loevenbruck. Des œuvres d’artistes de différentes générations invitent à prêter attention à la biodiversité animale et végétale. Certaines portent d’ailleurs des noms très évocateurs.
Au 12, rue Jacques-Callot, les peintures sur soie de Camille Tsvétoukhine se découvrent par strates successives. Une énergie émane de couleurs d’une vive intensité. On y perçoit un univers entre quotidien et rêverie. Un espace ouvre sur un autre dans des jeux de correspondances et de changements d’échelle. Les corps se lisent en interaction avec l’émergence de végétaux de cultures vivrières. À proximité, les planches d’herbiers peints de Blaise Drummond dialoguent avec un travail de collage réalisé à partir d’une page sur laquelle figure la description d’un saule blanc… Son travail artistique prend racine dans une recherche sur des récits, des images, des références liées à la nature. Roy Adzak mettait des objets et des formes vivantes dans des blocs et les laissait se déshydrater afin d’en préserver la trace. Sa démarche artistique relevait ainsi d’une sorte d’archéologie. Une œuvre en plâtre, empreinte de feuilles est teintée d’impuretés tandis que la seconde, empreinte de concombres, aux couleurs vert fluo implique un déplacement du visiteur pour être pleinement perçue.
Les images de nature, celles de l’imagerie populaire notamment, font partie du vocabulaire artistique de Philippe Mayaux, un artiste dont l’œuvre s’inscrit dans une certaine filiation au surréalisme. Conscient de l’urgence de réduire l’impact carbone de sa création, il privilégie le petit format. Deux peintures associant une écorce et le nom de l’arbre correspondant écrit en lettres capitales rappellent les compositions de l’herbier avec un léger décalage. Une pointe d’humour et une certaine étrangeté transparaissent également dans d’autres de ses travaux picturaux, tels Eden wood, une forêt mystérieuse dans laquelle les arbres semblent se métamorphoser et Nature du portrait. Au centre de la galerie, une forme organique sur un socle joue sur le trouble entre la sculpture et le travail de la nature. Il s’agit d’une gogotte, concrétion en grès, que l’on retrouve dans les terrains de sable siliceux notamment à Fontainebleau. Notons que le roi Louis XIV les a utilisés pour décorer quelques-unes des fontaines du parc du château de Versailles.
Au 6, rue Jacques Callot, une grande peinture de Gilles Aillaud attire de loin le regard. En retrait dans l’espace de la galerie, deux girafes presque cachées dans une végétation constituant leur biotope. Une représentation d’envergure portée par les sentiments qu’il nourrissait à l’égard des animaux. En face, une petite toile de Robert Devriendt nécessite, elle, de s’approcher pour saisir les subtilités du pelage de l’oiseau de proie. Celui-ci semble nous regarder et susciter l’empathie face à cet être vivant… Un dialogue qui interroge nos interactions avec le monde animal et notre cohabitation avec celui-ci ; à distance tout en tentant de les comprendre.
Daniel Dewar et Grégory Gicquel dont l’œuvre est pleinement liée à un amour pour les matériaux se tournent depuis plusieurs années beaucoup plus vers l’observation des éléments naturels et des êtres vivants. À la manière de naturalistes, ils titrent leurs œuvres en prêtant attention à nommer la diversité des espèces végétales et animales. Sur leur broderie réalisée en fil de coton et de polyester sur toile de lin, ouate de coton, nous pouvons prendre le temps d’observer végétaux, pavot à opium, pissenlits, légumineuses, vers de terre et insectes ainsi qu’une machine à coudre : un écosystème inscrit d’ailleurs dans le nom de l’œuvre. La broderie s’apparenterait à une métaphore des relations symbiotiques entre les vivants végétaux et animaux.
Ainsi, cette exposition collective incite à pénétrer plus en profondeur au sein de démarches aussi différentes qu’inspirées, voire portées par la nature. Dans les deux espaces de la galerie, les œuvres permettent ainsi d’accorder les enjeux en traitant sur un même plan les différents sujets : de l’observation presque objective (l’animal sauvage vu dans son milieu, l’herbier comme pratique artistique) à un rapport plus subjectif (notre propre rapport à la nature et à sa domestication), jusqu’à toucher à l’intime, au paysage comme sujet de rêverie.